La biogéographie insulaire étudie la distribution du vivant sur les îles, elle s’intéresse tout particulièrement aux facteurs qui influencent le nombre d’espèces natives et le niveau d’endémisme. Cette biogéographie est peu développée en France et assez mal connue des géographes. Ce volume donne tout d’abord un aperçu des principaux modèles et théories en biogéographie insulaire. Cette habilitation illustre ensuite les différentes approches que j’ai conduites autour de « l’arbre » en contexte insulaire et ceci à différentes échelles spatiales emboîtées. De l’arbre signature des représentations et des usages sociétaux, biomarqueur des changements environnementaux, mes travaux ont évolué vers l’arbre indicateur des invasions biologiques en milieu insulaire. L’arbre dans les archipels de Polynésie française témoigne de plusieurs lectures possibles. Il apparaît comme un marqueur culturel désuet, une rémanence du fond culturel polynésien, ou, plus contemporain et affichant la volonté de marquer l’appropriation face aux incertitudes foncières. L’arbre est un témoin paysager des vagues migratoires successives, d’abord polynésiennes, puis européennes et chinoises. Mais l’arbre est aussi un organisme conquérant, ceci nous renvoie à la nécessité d’appréhender les espèces en fonction de leur statut biogéographique. De nouvelles introductions en milieu insulaire entraînent parfois une redistribution du vivant au détriment des espèces natives. La diversité géographique des introductions et leur rythme accéléré au cours des dernières décennies témoignent de l’ouverture des îles de Polynésie à la mondialisation et à ses conséquences. Les invasions biologiques en sont un exemple. Aujourd’hui, se pose un problème de confinement des espèces exotiques envahissantes (EEE), ces dernières occupant de plus en plus d’habitats sur les îles du Pacifique. La distribution spatiale du nombre d’espèces végétales natives et sa relation avec les différents facteurs physiques et humains est un autre point majeur de cette habilitation en biogéographie insulaire. Nos travaux sur les facteurs influençant la diversité gamma ont produit des résultats comparables à d’autres études de biogéographie (e.g. rôle de la superficie, de l’altitude, des températures, la longueur des côtes, la distance à une île volcanique, etc.), ils ont aussi introduit de nouveaux objets géographiques jusqu’alors peu ou pas appréhendés comme facteur explicatif de la distribution des espèces. Cette habilitation présente en outre, et à travers l’ébauche d’un indice d’anthropisation appliqué aux atolls, comment les activités sociétales peuvent diminuer la pertinence des modèles classiques de biogéographie insulaire et ceci, bien que pressenti, n’avait jamais été démontré. Enfin, ces travaux illustrent la nécessité de maintenir en géographie une approche systémique afin d’étudier la végétation sur les îles. Elle ouvre aussi de nouvelles perspectives en géographie en croisant notamment des approches spatiales et des outils de mesures empruntés à l’écologie. Des passerelles apparaissent aussi entre la géographie et les sciences en invasions biologiques.