Ce travail d’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) présente une prise de position argumentée sur la nécessaire alliance entre les perspectives cliniques et méthodologiques en tant que voie de progrès pour la compréhension théorique, l’amélioration des mesures ainsi que de la prise en charge dans le champ de la santé mentale et de la psychopathologie. Cette HDR se situe dans une perspective de « science ouverte » et s’inscrit dans une démarche d’amélioration des pratiques pour la psychologie. Ce travail présente l’utilisation des approches en systèmes complexes et leurs applications en psychologie clinique et en psychopathologie grâce aux modélisations en réseau de données transversales et longitudinales. Ces modélisations sont illustrées par mes travaux concernant la mesure de la santé mentale des étudiants (détresse psychologique, dépression, anxiété et burnout), le risque de transition psychotique chez les adolescents et jeunes adultes en relation avec le fonctionnement cognitif ainsi que sur un programme de psychoéducation d’orientation TCC des familles et des proches de personnes présentant des troubles psychotiques (Profamille). Ces travaux plaident pour une meilleure modélisation des systèmes bio-psycho-sociaux ainsi que des phénomènes de développement et de transition des symptômes vers des troubles psychiques au cours du temps, dans une approche de prévention et d’intervention précoce. Les questions relatives à une meilleure articulation entre approches nomothétiques et idiographiques, d’une meilleure prise en compte de la temporalité des phénomènes ainsi que des hypothèses et inférences causales sur les relations entre phénomènes sont discutées. Elles plaident également pour un meilleur accordage des pratiques de mesures tant dans le champ de la recherche que celui des prises en charge cliniques. Enfin, les avancées récentes de la construction théorique en psychopathologie, dans un processus épistémique itératif, sont présentées. Elles permettent d’introduire les modélisations computationnelles en psychologie ainsi que les théories relatives aux systèmes dynamiques complexes se situant loin de l’équilibre. Les phénomènes d’émergence, d’auto-organisation et d’entropie sont ainsi éclairés par les développements des modèles théoriques de l’inférence active et de la conscience autonoétique provenant du champ des neurosciences cognitives. Ces modèles sont resitués par rapport aux travaux de Skinner et reliés avec les approches cognitives et comportementales, notamment contextuelles, dans le cadre d’un modèle de cognition prédictive. Nous concluons sur l’importance de la prise en compte de la pluralité des approches et des méthodes afin de construire des ponts permettant de mieux appréhender la complexité des phénomènes cliniques et psychopathologiques.