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Hdr Année : 2023

CONTRIBUTION A L’ANALYSE DES DYNAMIQUES DE PAUVRETÉ ET DES POLITIQUES SOCIALES EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE

Claire Gondard-Delcroix

Résumé

Mon mémoire d'Habilitation à diriger des recherches vise à établir ma contribution scientifique au champ de l'économie du développement, dans lequel s'insèrent mes principaux travaux de recherche. Ces derniers portent plus spécifiquement sur les questions de dynamiques de pauvreté, de protection sociale et sont sous-tendus par une approche empirique en méthodes mixtes et une ouverture interdisciplinaire. Ils sont orientés vers l’action pour le développement et le dialogue entre la science et la société. En effet, mes thématiques de recherche s’inscrivent dans le contexte international de l’aide au développement, organisé autour des Objectifs du millénaire puis des objectifs du développement durable, dans la mesure où ils portent sur l’Economie de la pauvreté, qui renvoie à l’ODD 1, et la protection sociale, qui est transversale à plusieurs ODD, Merrien (2013) parle même d’une reconfiguration de l’aide internationale au prisme de la protection sociale. Si une question devait traverser l’ensemble des mes travaux, ce serait celle-ci : Comment se construisent la liberté réelle des personnes à mener une vie digne ? Dans la lignée de l’analyse de Sen, j’insiste tout particulièrement sur ce concept de liberté réelle ou capabilité, qui est selon lui le fondement du bien-être et l’élargissement des capabilités constitue l’objectif du développement et des politiques publiques. La liberté ne doit pas être entendue comme une fade liberté formelle (s’entendre dire que l’on a le droit de) mais comme ce que l’on peut réellement prétendre à être et faire compte-tenu de qui on est, de où l’on vit et des opportunités que nous offre la société dans laquelle on vit (biens et services publics, normes et valeurs, droits d’accès). L’influence de la pensée d’Amartya Sen est transversale à l’ensemble de mes travaux de recherche et m’a menée à développer plusieurs types de travaux. Un premier ensemble de questions traite de la définition de la pauvreté et de ses représentations , entre définition utilitariste (pauvreté monétaire, Ravallion, 1992) et définition en termes de liberté réelle d’être et de faire (pauvreté de capabilités, Sen 1985, 1993, 2000) mais aussi en intégrant une approche par les représentations, dans la lignée de l’étude mondiale la Voix des pauvres (Narayan et al.). Ces questionnements ont animé, au début des années 2000, des débats houleux entre tenants de l’approche monétaire de la pauvreté et de l’approche multidimensionnelle de la pauvreté et ont conduit à la création de l’indice de pauvreté multidimensionnelle (Alkire et Santos, 2013). Ils s’ancrent également dans un débat interne à l’analyse des capabilités autour de la définition des core capabilities ou capabilités essentielles, autrement dit celles qui pourraient permettre de définir une pauvreté de capabilité. Faut-il retenir une liste absolue et universelle comme le propose Nussbaum (2009) ou faut-il laisser la liste non définie comme le propose Sen (Sen 2000; 1992) et laisser ouvert le choix des capabilités pertinentes, laissant ainsi la place à la dimension subjective mais aussi aux spécifiés culturelles et contextuelles (Clark, 2009 ; Alkire, 1999 et Alkire, 2002a et 2002b). Un deuxième ensemble de questions relève de l’analyse des possibilités réelles pour les individus de sortir de la pauvreté . Cela implique une approche en termes de dynamiques de pauvreté qui se traduit par la prise en compte du temps, du risque et des chocs dans l’étude de la pauvreté. Il s’agit alors non seulement de repérer la diversité des formes dynamiques de pauvreté, au sens de formes inter-temporelles de pauvreté (pauvreté chronique ou durable, liée à un cumul de manque d’actifs, et pauvreté transitoire ou temporaire, liée à une mauvaise protection vis-à-vis des risques, Jalan et Ravallion, 1998a et 1998b ; Hulme and Shepherd, 2003 ; CPRC, 2004 et 2008), mais aussi de comprendre les rouages de la reproduction des situations de pauvreté. Dans me travaux, j’ai traité des deux aspects mettant en œuvre une méthode de décomposition entre pauvreté chronique et transitoire pour ensuite analyser ce que j’ai appelé le processus de pauvreté. Les situations de perpétuation de la pauvreté y sont analysées comme une privation de liberté réelle dont la dynamique est explicitée par le cadre analytique des capabilités (Sen 1985, 1999). Cette analyse fait toutefois pleinement écho au concept de piège de pauvreté traité à la même période à travers l’étude des rationalités de la pauvreté (voir notamment Barrett et Carter, 2013 ; Carter et Barrett, 2006). Ma réflexion sur la liberté réelle d’être et de faire s’est par la suite déployée, au gré de collaborations, dans deux autres directions en intégrant la question de l’action collective (réseaux et des capabilités collectives) , celle des classes sociales et celle des aspirations . Dans le champs de la protection sociale, mes travaux visent à éclairer les conditions du déploiement de la protection sociale en Afrique sub-saharienne en posant la question d’une protection sociale adaptée à la fois aux besoins spécifiques de la population, liés à la ruralité, à l’informalité, à la vulnérabilité et à la grande pauvreté, et au contexte institutionnel spécifique caractérisé par l’informalité du marché du travail, la faiblesse de l’Etat et la forte influence des acteurs de l’aide internationale. Face à de tels enjeux, comment penser des formes de protection sociale adaptées et appropriées tant au niveau national qu’au niveau local ? S’appuyant sur une conception de la protection sociale comme construction sociale, produite par l’interaction entre des acteurs divers aux intérêts potentiellement divergents, comment les systèmes de protection sociale se mettent-ils en place en Afrique sub-saharienne ? Mes travaux sur ce thème ont été menés dans le cadre d’un ensemble de projets de recherche dont j’ai été responsable et que j’ai pris l’habitude de rassembler sous le terme de projet Protect pour Protection sociale à Madagascar. Mes travaux sur ce thème ont été menés dans le cadre d’un ensemble de projets de recherche dont j’ai été responsable et que j’ai pris l’habitude de rassembler sous le terme de projet Protect pour Protection sociale à Madagascar. L’ambition de cet ensemble de projets est de traiter des différentes échelles pertinentes pour comprendre les structurations de la protection sociale malgache. Au niveau national, nous avons travaillé sur la structuration du système national de protection sociale malgache en croisant l’entrée de l’analyse de réseaux (Borgatti et al., 2009) et celles des arrangements politiques (political settlements, Khan, 2010) de façon à identifier les coalitions politiques formées autour des différents idéaux de la protection sociale. L’analyse de réseaux est ensuite mobilisée pour analyser les rapports d’influence de ces coalitions sur la conception de la politique de protection sociale et la façon dont ces coalitions fonctionnent, en mettant une focale particulière sur le rôle des acteurs internationaux . Au niveau local, nous avons développé le concept de système local de protection sociale, qui produit et régule les mécanismes de protection sociale effectivement accessibles aux populations locales . Dans le cadre du projet de recherche Protect, nous avons produit un cadre analytique et un système d’observation ad hoc permettant de traiter : (i) des formes de protection sociales effectivement accessibles aux populations et qui diffèrent largement des formes établies dans les textes nationaux (qui sont pourtant le produit du jeu politique étudié au niveau de l’arène nationale de la protection sociale), (ii) de la place de la protection sociale informelle, de son encastrement dans les normes sociales locales et de son articulation à la protection sociale formelle, (iii) de la diversité des formes de protection sociale et de leur ambiguïté, entre relations de pouvoir (clientélisme, pression distributive) et relations de réciprocité, (iv) de la question de l’inégalité des droits d’accès aux différentes formes de protection sociale. A ces éléments, il faut ajouter le travail scientifique original mené autour du film de recherche « Trou de Caïmans », réalisés par Christophe Leroy, dont l’objectif est de dépasser la logique passive de média de diffusion pour contribuer directement à la recherche par deux voies complémentaires. Premièrement, le film produit son propre regard sur la protection sociale malgache en se focalisant sur un quartier pauvre d’Antananarivo. Deuxièmement, le film alimente la recherche grâce à un dispositif de projection débats, les discours et propos échangés au cours des débats étant mobilisés comme données discursives pour analyser les représentations contemporaines de la protection sociale à Antananarivo et discuter sur cette bases les voies possibles de la structuration d’une protection sociale malgache moderne. Mon travail sur la protection sociale s’enracine donc dans une approche de la protection sociale comme construction sociale par les acteurs, en même temps qu’elle est pourvoyeuse d’opportunités et de contraintes pour les individus. Les jeux d’échelle, entre macro (le système national de protection sociale et son arène de négociation pour partie transnationale), méso (le système local de protection sociale comme composante des systèmes sociaux locaux) et micro (le niveau individuel) sont au cœur de l’articulation de ma pensée. Enfin, un quatrième ensemble de questions porte sur les aspects méthodologiques . Compte-tenu de ma posture épistémologique, le rapport au réel est central dans le déploiement de mon travail de recherche et, comme il se doit dans le cadre d’une recherche empirique, le questionnement méthodologique est intrinsèquement lié au questionnement de fond. Pour toutes les questions de recherche que j’ai traitées, je me suis appuyée sur des données à la fois qualitatives et quantitatives, le plus souvent produites par moi-même ou les équipes avec lesquelles j’ai travaillé, de façon à ce que les données soient les mieux adaptées à la spécificité des cadres conceptuels, des contextes et des questionnements en jeu. Mes travaux scientifiques s’appuient systématiquement sur des designs empiriques en méthodes mixtes (Creswell 2013, Creswell et Creswell, 2018 ; Pluye, 2012 et 2019, Pluye et al. 2011), à la fois pour la production et l’analyse des données. Dans le cadre des designs de recherche en méthodes mixtes que j’ai développés, les méthodes qualitatives et quantitatives sont pensées dans une articulation rigoureuse tenant compte de leurs complémentarités techniques et méthodologiques, des spécificités et des limites de chacune, en articulation avec les objectifs de la recherche et de ses questionnements spécifiques (devis de recherche mixte, Pluye et al., 2019). L’enjeu renouvelé à chaque question de recherche est d’opérer un réglage fin dans le choix des méthodes qualitatives et quantitatives à mobiliser et dans leur articulation (séquentielle ou convergente, en une phase ou plusieurs phases, sur une échelle d’analyse ou plusieurs) dans la finalité d’ajuster le dispositif mixte aux objectifs de la recherche. La question sous-jacente est donc celle du type d’articulation entre qualitatif et quantitatif, en termes de production et d’analyse des données, pour répondre aux objectifs de la recherche en associant les différentes logiques scientifiques que sont le principe de découverte (perspective exploratoire), le principe d’administration de la preuve (étude des régularités, des causalités) et le principe de compréhension des relations, processus et systèmes en jeu.
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Mémoire HDR Claire Gondard_mars 2024.pdf (3.95 Mo) Télécharger le fichier
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  • HAL Id : tel-04498589 , version 1

Citer

Claire Gondard-Delcroix. CONTRIBUTION A L’ANALYSE DES DYNAMIQUES DE PAUVRETÉ ET DES POLITIQUES SOCIALES EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE. Economies et finances. Université de Bordeaux, 2023. ⟨tel-04498589⟩

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