Localisés en Cappadoce, les complexes volcaniques quaternaires du Göllüdağ et d’Acıgöl ont fonctionné en trois phases anté-, syn- et post-caldeira, aux impacts inégaux sur les morphologies et les environnements. Le complexe du Gölludağ est un massif culminant à 2172 m. A l’inverse, le complexe d’Acıgöl est une dépression située à environ 1300 m d’altitude, largement ouverte au nord-ouest. L’étude minéralogique et géochimique des pyroclastites nous a permis d’établir un cadre téphrostratigraphique dont la chronologie est assurée par 22 nouvelles dates K/Ar et Ar/Ar. Le Göllüdağ a été actif au Pléistocène moyen et celui d’Acıgöl du Pléistocène supérieur au début de l’Holocène. Les données présentées permettent de suivre l’évolution rapide de ces deux complexes. Les phases syn-caldeira du Göllüdağ (1,39 Ma) et d’Acıgöl (> 160 Ka) voient l’émission d’importantes pyroclastites (environ 6 km3 pour chacun des complexes) qui remblaient et fossilisent les vallées plio-quaternaires et le fond de chacune des caldeiras. L’absence de formation détritique et de paléosol interstratifiés dans les pyroclastites syn-caldeira illustre la rapidité de ces processus. Parallèlement, l’effondrement des caldeiras est responsable de la destruction des massifs volcaniques antérieurs. Les morphologies associées aux caldeiras sont discontinues. Dans le massif du Göllüdağ, elles sont partiellement masquées par la mise en place postérieure des appareils rhyolitiques ; et dans le complexe d’Acigöl, elles ont été en partie détruites par l’érosion postérieure. La phase post-caldeira est beaucoup plus étalée dans le temps que la phase précédente : dans le Göllüdağ, elle dure près de 700 000 ans (de 1,1 Ma à 0,44 Ma) et à Acigöl près de 80 000 ans (90 Ka à env. 8000 cal. BP). Cette phase post-caldeira est caractérisée par la mise en place d’appareils rhyolitiques associant quatre types d’activité volcanique dans un modèle original. Une activité phréatomagmatique et l’édification d’un anneau de tuf enserrant un maar précèdent toujours l’extrusion rhyolitique. Des intrusions d’obsidienne entourent généralement le dôme et utilisent les failles annulaires limitant le diatrème du maar initial. Enfin, une activité peléenne est souvent responsable de la destruction partielle du dôme. L’abondance de l’obsidienne est à l’origine d’une fréquentation de la région par les hommes préhistoriques dès le Paléolithique et le Néolithique. Le « Dere 3 » (Göllüdağ) constitue l’une des premières fouilles paléolithiques d’Anatolie centrale. Quatre niveaux archéologiques sont situés sous des lits de téphras rhyolitiques. La téphrochronologie que nous avons établie permet de proposer un âge (> 160 Ka) pour ces téphras provenant de l’activité syn-caldeira d’Acıgöl. L’identification des téphras interstratifiés avec les dépôts détritiques provenant de l’érosion des complexes volcaniques nous a également permis de reconstituer l’évolution morphologique régionale. Dans le complexe d’Acıgöl, une première phase de remblaiement (~160-30 Ka) est marquée par l’édification de glacis-cônes sur les bas de versant de la caldeira. De 30 à 20 Ka environ, l’érosion est ensuite responsable de l’ablation du matériel détritique et pyroclastique, ainsi que de l’incision de la vallée de l’Acısu Dere qui sert d’exutoire au réseau hydrographique de la caldeira. Sur le pourtour du massif du Göllüdağ, des cônes alluviaux remaniant des artefacts du Paléolithique moyen et supérieur sont édifiés au cours du Pléistocène supérieur. D’après les données paléoenvironnementales centre-anatoliennes, deux périodes pourraient être propices à une telle érosion : i) le Pléniglaciaire (~23-18000 BP) et ii) la transition Pléistocène-Holocène (~12000-10000 cal. BP).