Voir les invisibles. Une phénoménologie critique de l'invisibilité sociale d'après Emmanuel Levinas - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2023

Seeing Invisible People. A Critical Phenomenology of Social Invisibility After Emmanuel Levinas

Voir les invisibles. Une phénoménologie critique de l'invisibilité sociale d'après Emmanuel Levinas

Emmanuel Levine

Résumé

A widely used category in the public sphere and in social sciences, social invisibility encompasses the heterogeneous set of situations that produce in certain individuals the feeling of not being seen on account of their class, gender, sexuality, race, disability, nationality, precariousness and so on. Taking Emmanuel Levinas as a starting point and in dialogue with two of his political readers, Enrique Dussel and Judith Butler, we seek to answer the following four questions: What is social invisibility? How is it constituted? How is it experienced? How can it be abolished? Taking this visual metaphor seriously, we describe the invisibilizing gaze as an insensitive perception within a system of domination, alternating between hypo-visibility and hyper-visibility. In a genetic approach and in a critical debate with three philosophical paradigms, we successively investigate three strata of social invisibility: the contemptuous perceptions that humiliate subjugated individuals (Axel Honneth), the foreclosing representations that exclude certain bodies out of the public sphere of appearances (Hannah Arendt) and the necro-political subjectivations which produce dehumanized lives (Michel Foucault). We then elucidate the way in which social invisibility configures the lived experience of invisibilized people, their corporeality, their perception of the world, their relationship to time, their negative affects, and the difficult conscientization of their situation to allow individual and collective emancipation. Finally, we show how “seeing the invisible” and interrupting the invisibilizing gaze would require a sensitive perception, an ethical-critical representation, and a subjectivation based on a responsibility without recognition. From a historical perspective, this work reveals little-known aspects of Levinas’s work, introduces Dussel’s liberation ethics to the French public, and shows the profound influence phenomenology had on Butler. From a methodological perspective, this dissertation sketches out the project of a critical phenomenology at the crossroads of post-Husserlian phenomenologies and contemporary critical theories, making it possible to describe, question and transform social injustices.
Très souvent mobilisée dans l’espace public et dans les sciences sociales, la notion d’invisibilité sociale englobe l’ensemble hétérogène des situations qui produisent chez certains individus le sentiment de ne pas être vus en raison de leur classe, de leur genre, de leur sexualité, de leur race, de leur handicap, de leur nationalité, de leur précarité, etc. À partir d’Emmanuel Levinas et en dialogue avec deux de ses lecteurs politiques, Enrique Dussel et Judith Butler, cette thèse entend répondre aux quatre questions suivantes : qu’est-ce que l’invisibilité sociale ? Comment est-elle constituée ? Comment est-elle vécue ? Comment l’abolir ? En prenant au sérieux cette métaphore visuelle, nous commençons par décrire le regard invisibilisant comme une perception insensible au sein d’un système de domination, alternant entre hypo-visibilité et hyper-visibilité. Dans une approche génétique et en débat critique avec trois paradigmes philosophiques, nous exhumons trois strates de l’invisibilité sociale : les perceptions méprisantes qui humilient les individus dominés (Axel Honneth), les représentations excluantes qui relèguent certains corps en dehors de la sphère publique des apparences (Hannah Arendt) et les subjectivations nécro-politiques qui produisent des vies déshumanisées (Michel Foucault). Nous clarifions ensuite la manière dont l’invisibilité sociale configure l’expérience vécue des invisibilisés, leur corporéité, leur perception du monde, leur rapport au temps, leurs affects négatifs ainsi que la difficile conscientisation de leur situation en vue d’une émancipation individuelle et collective. Nous montrons enfin en quoi « voir les invisibles » et transformer les regards invisibilisants implique une perception sensible, une représentation éthico-critique et une subjectivation fondée sur une responsabilité sans reconnaissance. Sur le plan historique, ce travail révèle des aspects méconnus de l’œuvre de Levinas, présente au public français l’éthique de la libération de Dussel et montre l’influence profonde qu’eut la phénoménologie sur Butler. Sur le plan méthodologique, cette thèse esquisse le projet d’une phénoménologie critique à la croisée des phénoménologies post-husserliennes et des théories critiques contemporaines permettant de décrire, mettre en question et transformer les injustices sociales.
Fichier non déposé

Dates et versions

tel-04407518 , version 1 (20-01-2024)

Identifiants

  • HAL Id : tel-04407518 , version 1

Citer

Emmanuel Levine. Voir les invisibles. Une phénoménologie critique de l'invisibilité sociale d'après Emmanuel Levinas. Philosophie. Université Paris Nanterre, 2023. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-04407518⟩
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