Algorithmic justice in the making. Sociology of work and infrastructures of Artificial Intelligence
La justice algorithmique en chantier. Sociologie du travail et des infrastructures de l'Intelligence Artificielle
Résumé
Around 2016, the first machine learning algorithms processing open data case law appeared in France. Based on an empirical inquiry combining ethnographies, interviews and analysis of documentary material, this research investigates artificial intelligence (AI)’s backstage. It aims at analyzing the drivers and social implications of these highly controversial tools. It first follows the trajectory of these technical objects, and the representations and tensions that accompany them, from the world of digital entrepreneurship to the doors of the courts; in so doing, it highlights the successive recharacterizations of the "boundary-concept" of AI, which gathers around it, according to the meanings and purposes associated with it, plural configurations of actors. The thesis then delves into the informational infrastructures at the heart of legal AI: it looks at the data on which machine-learning algorithms are based, and the processes of requalification, centralization, formatting and circulation to which they are subjected in order to train the models. Finally, the thesis documents the work of designing AI, based on an ethnography conducted within a multidisciplinary team set up at the Cour de Cassation: it shows how the activities of translation, articulation, negotiation and the choices made by actors with heterogeneous expertise gradually shape the algorithmic device. At every level, this research highlights the intrinsically social dimension of AI. It underlines the hybridization processes of techno-legal expertise occurring in contact with AI, which contribute to reinforcing fracture lines within the traditional worlds of law justice, between elites and street-level professionals.
Autour de 2016 apparaissent, en France, les premiers algorithmes d’apprentissage automatique orientés vers le traitement des décisions de justice mises en open data. À partir d’une enquête empirique alliant ethnographies, entretiens et analyse de matériau documentaire, cette recherche entre dans les coulisses du chantier de l’intelligence artificielle (IA) juridique, pour mieux analyser les ressorts et implications sociales du développement de ces outils fortement controversés. Elle suit d’abord la trajectoire de ces objets techniques, ainsi que des représentations et tensions qui les accompagnent, depuis le monde de l’entreprenariat numérique jusqu’aux portes des tribunaux ; elle met en évidence, ce faisant, les requalifications successives du « concept-frontière » d’IA, qui agrège autour de lui, en fonction des sens et des finalités qui y sont associés, des configurations plurielles d’acteurs. La thèse plonge ensuite dans les infrastructures informationnelles qui constituent le cœur du dispositif de l’IA juridique : elle s’intéresse aux données qui servent de fondement aux algorithmes d’apprentissage automatique et aux processus de requalification, centralisation, formatage et mise en circulation auxquels elles sont soumises pour permettre l’entrainement des modèles. La thèse documente enfin le travail de conception l’IA, à partir d’une ethnographie conduite au sein d’une équipe pluridisciplinaire constituée à la Cour de Cassation : elle montre la façon dont les activités de traduction, d’articulation, de négociation et les choix opérés par des acteurs aux expertises hétérogènes façonnent progressivement le dispositif algorithmique. À chaque niveau, cette recherche met en évidence la dimension intrinsèquement sociale de l’IA. Elle souligne les processus d’hybridation d’expertises techno-juridiques se produisant au contact de l’IA, qui contribuent à renforcer des lignes de fracture au sein des mondes traditionnels du droit, entre élites et professionnel·les de terrain.
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