Tandis que la place de l’université dans le champ des formations de l’enseignement supérieur a évolué au cours des soixante dernières années, la hiérarchie des disciplines s’est inversée, et les filières en arts, lettres, langues et sciences humaines (ALLSH, ou humanités) font aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques, tant du point de vue du public accueilli - qui serait là « faute de mieux » - que de l’insertion professionnelle de ces filières jugée difficile. Pour autant, l’orientation vers ces filières reste peu analysée, dans la mesure où celles et ceux qui souhaitent y étudier trouvent presque toutes et tous une place, et qu’il ne s’agit ni de formations d’élite, confrontées aux questions d’ouvertures sociales, ni de formations courtes conçues pour accueillir des populations scolaires spécifiques. À travers l’exploitation de plusieurs bases de données, notamment celles - exhaustives - issues de la plateforme Admission Post Bac (APB) et de l’enquête « Conditions de vie » de l’OVE, ainsi qu’au moyen d’entretiens conduits auprès d’étudiants et responsables de licence, cette thèse s’intéresse aux aspirations d’orientation et parcours d’études des néo-bacheliers admis dans les filières ALLSH. L’orientation y est abordée de manière multifactorielle, dans une approche combinant notamment la prise en compte de l’origine sociale (volume et structure des capitaux), du genre, du parcours scolaire et des variables subjectives (satisfaction liée aux vœux). La dimension territoriale de l’orientation est également étudiée à travers l’analyse des choix d’établissements des candidats de l’académie de Toulouse. Ce travail cherche tout d’abord à comprendre la place des ALLSH dans les formations d’enseignement supérieur, à travers l’analyse des candidatures et admissions dans ces filières. Les résultats montrent la place intermédiaire qu’occupent les différentes disciplines en ALLSH, aussi bien à l’échelle de l’ensemble des formations d’enseignement supérieur post-bac qu’à celle des disciplines universitaires. Les données permettent en outre de distinguer les filières qui composent ce regroupement: si le public accueilli en ALLSH est socialement et scolairement plus homogène que celui dans les autres secteurs disciplinaires, certaines disciplines apparaissent plus (lettres) ou moins (histoire) féminisées, plus (langues) ou moins (arts, autres sciences humaines) ouvertes socialement. La thèse montre ensuite que l’orientation en ALLSH est une orientation majoritairement souhaitée par celles et ceux qui y sont admis, même si pour certains admis l’on peut parler d’orientation contrariée (davantage que par défaut). En outre, lorsque l’on introduit la dimension territoriale, l’orientation au sortir du secondaire apparaît encore principalement locale, mais la thèse met également en évidence le début d’une segmentation horizontale entre les formations d’ALLSH, dont se saisissent les étudiants les plus favorisés et illustrée par le développement des licences sélectives. Enfin, la troisième partie relative aux parcours d’études permet tout d’abord de faire ressortir l’intérêt intellectuel des étudiants pour la formation, sans pour autant que les projets d’études ou professionnels (comme devenir enseignant) ne soient inexistants : la première année est bien souvent l’occasion de se familiariser avec l’institution universitaire pour ainsi confirmer ou infirmer les aspirations de terminale. Cela se matérialise par une forte diversité de parcours au cours des trois premières années d’études. Le poids de l’orientation contrariée dans ces parcours est alors mis en évidence, démontrant par conséquent le rôle nécessaire d’espace de régulation qu’est amenée à jouer l’université et la nécessite d’appréhender l’orientation sur le temps long.