Les traits d’histoire de vie des agents pathogènes sont le fruit d’une longue coévolution avec leur(s) hôte(s). Déterminant leurs capacités de colonisation, de dispersion, et de survie, ils sont le reflet du potentiel d’invasion et de persistance des espèces pathogènes au sein des systèmes naturels et agricoles. La sélection naturelle favorise les schémas de reproduction conférant une fitness optimale, eux-mêmes modulés par bon nombre de facteurs, comme la résistance de l’hôte ou les infections multiples. Mieux comprendre les interactions hôte-pathogène et pathogène-pathogène représente donc l'une des clés permettant de mieux appréhender l'adaptation des populations pathogènes à la résistance de leur hôte. L'objectif global de ce travail de thèse est d'étudier l'impact de ces deux types d'interaction sur les stratégies de reproduction de Phytophthora infestans, agent responsable du mildiou de la pomme de terre (Solanum tuberosum). Plus précisément, ce travail s'attache à (i) déterminer l'effet des composantes de résistance partielle de la plante hôte sur la reproduction sexuée de l'agent pathogène; (ii) décrire les stratégies de reproduction en réponse aux infections multiples impliquant des souches sexuellement incompatibles; et (iii) comparer les stratégies de reproduction en infections multiples pour des interactions sexuellement compatibles et incompatibles. Nos résultats indiquent que la résistance partielle affecte de manière similaire les reproductions sexuée et asexuée. Par ailleurs, les variétés augmentant la latence semblent limiter la formation d'oospores, structures de survie issues de la reproduction sexuée. Ainsi, le sexe peut être vu comme une adaptation aux variétés les moins résistantes, rapidement détruites par la maladie. Nos résultats mettent également en évidence la diversité des stratégies de reproduction adoptées en réponse aux infections multiples, et soulèvent la question du coût du sexe chez P. infestans. Deux stratégies contrastées sont mises en évidence: certains génotypes sont compétitifs asexués, c'est-à-dire capables d'accroître leur reproduction lors d'interactions incompatibles, mais moins performants lorsque le sexe est possible; les autres génotypes, compétitifs sexués, répondent de façon opposée. L'importance du génotype du compétiteur est néanmoins à souligner. La plasticité des stratégies de reproduction de cette espèce explique que l'adaptation d'un tel agent pathogène puisse être observée à des échelles de temps très courtes, par exemple au cours d'une saison culturale, au cours de laquelle la fréquence des infections multiples est attendue croissante. Ce travail souligne l'importance de considérer les stratégies de reproduction et l'effet de l'hôte dans les mesures de fitness des agents pathogènes. Ces mesures, fortement dépendantes de la complexité du système étudié, pourraient permettre de tester l'adaptation à la résistance de l'hôte aux échelles de la population et du paysage agricole via l'utilisation de modèles d'écologie évolutive. Ces connaissances pourraient à terme contribuer à l'élaboration de stratégies pour la gestion durable des résistances des plantes cultivées.