Cognitive impairment and training Course for students aged 10 to 18 in access to knowledge and skills.
Handicap cognitif et formation Parcours d’élèves de 10 à 18 ans dans l’accès aux savoirs et à la qualification.
Résumé
This study looks at the feelings of justice of young people aged between 10 and 18 years old, with mental or cognitive disabilities or with DYS- disorder(s) - in terms of their access to knowledge and qualifications. The ones we met were built by being in contact with multiple spheres: family, friends, school, etc. and have grown up in a world that since their birth has contributed to the inclusion of people with disabilities with reference to the law of 11 February 2005. They share their journeys with us through biographical accounts (Delory-Momberger, 2015).
The announcement of disability is a shock for both the parents and the child who perceives their suffering. This difference sues them at school. From then on, they find themselves in a liminal situation (Blanc, 2010, 2017), often materialized by an orientation in a specialized system. In adolescence, they must develop both their personal and professional identity (A. Bosma, 1994; Lannegrand-Willems, 2012). However, some encounters result in bifurcations in their course (Abbott, 2009; Bessin et al, 2010; Negroni, 2009).
In order to study these journeys and the crucial moments that marked them, I drew on the theorie of justice of Rawls (2008, 2009), on Nussbaum’s one (2007, 2017) which operationalizes the concept of capability developed by Sen (2012), as well as on Fraser's (2012) work on the link between social justice and recognition. These philosophical anchors complement the work on school justice studied by Dubet (1996) and on the hierarchical guidance process (Dubet & Duru Bellat, 2000). In this context, students with difficulties are often led to accept proposals for guidance that do not necessarily correspond to their initial choice (Lannegrand-Willems, 2004) which refer more to a choice of device rather than to a prospective reflection on the life project of young people and their capabilities. Considering the notion of recognition less in terms of a specific identity than in terms of the legitimate partner of the interlocutor (Fraser, 2011) makes it possible to reconsider the notion of life project, already present in Rawls in the first edition of his 1971 theory, also emphasized by Jaeger (2017). It also allows emotional, perceptual and experiential dimensions to emerge.
This research is fundamentally ethical in the wake of Kittay (2015) in order to study the experiences and feelings of justice of 27 young people with cognitive disabilities, educated in so-called "ordinary"; schools, in localized units for inclusive education (ULIS) or in medico-educational institutes (IME) thanks to their biographical accounts. Based on the three heuristic hypotheses formulated, it appears that 14 young people do not feel any sense of injustice; 11 others are more nuanced and only 1 feels injustice in relation to his or her disability. 2 young people say that their disability has become a strength and 11 others say they have been harassed. Concerning the orientation course: 20 young people registered with the desire to obtain a qualification of any kind, to the detriment of their own project, while for 7 others, the decisions were based on their project. Finally, 25 young people feel that they have deserved the orientation decisions, only 2 young people express a feeling of school unfairness in relation to their orientation. The decision taken seems fair to them because it allows them to obtain a qualification in the long run. It becomes deserved when the pupils have worked towards it and when this decision takes into account their life project, both at school and for their future inclusion in society. The results of this study generally confirm the thinking of Blanc (2017): disability is seen as a never-ending liminality.
Cette étude s’intéresse aux sentiment(s) de justice de jeunes âgés de 10 à 18 ans, présentant un handicap mental, cognitif ou porteurs de trouble(s) DYS- quant à leur accès aux savoir et à la qualification. Ceux rencontrés se sont construits en côtoyant de multiples sphères, familiale, amicale, scolaire, etc. et ont grandi dans un monde qui depuis leur naissance contribue à favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap en référence à la loi du 11 février 2005. Ils nous livrent leurs cheminements à travers des récits biographiques (Delory-Momberger, 2015).
L’annonce du handicap est un choc tant pour les parents que pour l’enfant qui perçoit leur souffrance. Cette différence les poursuit à l’école. Dès lors, ils se retrouvent en situation liminale (Blanc, 2010, 2017), souvent matérialisée par une orientation dans un dispositif spécialisé. À l’adolescence, ils doivent élaborer tant leur identité personnelle que professionnelle (A. Bosma, 1994; Lannegrand-Willems, 2012). Or certaines rencontres engendrent des bifurcations dans leur parcours (Abbott, 2009; Bessin et al., 2010; Négroni, 2009).
Afin d’étudier ces parcours et les moments cruciaux qui les ont jalonnés, je me suis appuyée sur la théorie de justice de Rawls (2008, 2009), celle de Nussbaum (2007, 2017) qui opérationnalise le concept de capabilité développé par Sen (2012) ainsi que les travaux de Fraser (2012) autour du lien entre justice sociale et reconnaissance. Ces ancrages philosophiques complètent les travaux sur la justice scolaire étudiée par Dubet (1996) et sur le processus d’orientation hiérarchisé (Dubet & Duru Bellat, 2000). Dans ce contexte, les élèves en difficulté sont fréquemment conduits à accepter des propositions d’orientation qui ne correspondent pas forcément à leur choix initial (Lannegrand-Willems, 2004) lesquelles renvoient davantage à un choix de dispositif plutôt que de mener une réflexion prospective autour du projet de vie des jeunes et de leurs capabilités. Considérer la notion de reconnaissance, moins au regard d’une identité spécifique qu’à celui de partenaire légitime de l’interlocution (Fraser, 2011) permet de reconsidérer la notion de projet de vie, déjà présente chez Rawls dans la première édition de sa théorie de 1971, également soulignée par Jaeger (2017). Cela permet également de laisser émerger des dimensions d’ordre émotionnel, perceptif et expérientiel.
Cette recherche s’inscrit fondamentalement en éthique dans le sillage de Kittay (2015) afin d’étudier les éprouvés et les sentiments de justice de 27 jeunes porteurs de handicap cognitif, scolarisés en école dite « ordinaire », en unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) ou en institut médico-éducatif (IME) grâce à leurs récits biographiques. Autour des trois hypothèses heuristiques formulées, il apparaît que 14 jeunes n’éprouvent pas de sentiment d’injustice ; 11 autres sont plus nuancés et 1 seul ressent de l’injustice en lien avec son handicap. 2 jeunes affirment que leur handicap est devenu une force et 11 autres disent avoir été victimes de harcèlement. Concernant le parcours d’orientation : 20 jeunes s’inscrivent avec la volonté d’obtenir une qualification quelle qu’elle soit, au détriment de leur propre projet, alors que pour 7 autres, les décisions se sont articulées autour de leur projet. Enfin, 25 jeunes estiment comme justes leurs décisions d’orientation, seuls 2 jeunes expriment un sentiment d’injustice scolaire par rapport à leur orientation. La décision prise leur semble juste parce qu’elle leur permet d’obtenir une qualification à terme. Elle devient méritée lorsque les élèves ont œuvré en ce sens et que cette décision prend en compte leur projet de vie, tant au niveau scolaire que pour leur inclusion future dans la société. Les résultats de cette étude confirment globalement la pensée de Blanc (2017) : le handicap s’appréhende comme liminalité sans fin.