Ce mémoire propose une mise en perspective d’une partie de mes travaux de recherche réalisés au cours de ces dix dernières années, au prisme de « l’individualisation des droits sociaux ». L’expression est susceptible de nombreuses interprétations et renvoie à des évolutions de nature hétérogène au sein de la protection sociale. Une première partie rappelle les principales mutations de l’État social placées sous le signe de l’individualisme au cours de ces trente dernières années, telles qu’observées par les chercheurs et les chercheuses en sciences sociales. Parmi les sciences sociales, les recherches juridiques se singularisent : l’idée d’« individualisation des droits sociaux » est rarement convoquée pour appréhender ces évolutions, mais des phénomènes juridiques d’individualisation dans la protection sociale sont repérés et analysés. Sur la base de mes travaux de recherche menés ces dix dernières années, je propose de montrer en quoi cette expression désigne une dynamique contemporaine du droit de la sécurité sociale. Quatre dimensions, qui sont toutes en relation avec mes recherches, sont développées dans une seconde partie : (1) Le droit du non-emploi, un champ du droit de la sécurité sociale restructuré par l’individualisation des droits sociaux, (2) Le droit du service public, une dimension du droit de la sécurité sociale concernée par l’individualisation des droits sociaux, (3) Droits fondamentaux et droit de la sécurité sociale : des évolutions en ligne avec l’individualisation des droits sociaux ?, (4) Perspectives de recherche. Droits sociaux et technologies numériques. Ces différentes études permettent de conclure que les phénomènes récents d’individualisation introduisent deux nouveautés. Le bénéficiaire des prestations sociales est désormais considéré dans les attributs juridiques de sa subjectivité (l’autonomie de la volonté, la responsabilité du fait personnel). Sous ces traits, il est devenu un objet de la réglementation de la protection sociale, si ce n’est l’objet privilégié des dispositifs juridiques. Il est désormais attendu que cet individu se saisisse de ses droits sociaux. Il est proposé l’idée de « droits sociaux virtuels » pour décrire ces orientations accueillies dans le droit de la protection sociale français.