L’habilitation à diriger les recherches se présente en deux tomes : le premier correspond à une note de synthèse (322 pages, avec index notionnels et de noms propres) ; le second rassemble divers articles, chapitre d’ouvrages, données statistiques et d’analyse de contenu (215 pages). Le premier volume est lui-même divisé en deux parties : « De la musique et des pauvres : bilan et principaux résultats (1981-2007) », de la page 8 à 168, et « Socio-anthropologie de la rage : grilles d’analyse, réflexion prospective », de la page 170 à 269. Une bibliographie, classée en thèmes, a été volontairement rendue dense en références. Trois chapitres composent la première partie du tome 1 : « Préhistoire de la recherche et parcours professionnel », « L’observation des phénomènes musicaux underground » et « Des minorités identitaires : pauvres, pauvreté et représentations sociales ». Trois autres structurent la suivante : « La théorisation du « devenir minorité active », « Cultures du ressentiment et formes actuelles du mysticisme » et « Conclusion : représentations de la pauvreté et du travail ». Comme dans tout exercice de ce genre, cette synthèse des recherches (partie 1) a été faite avec le souci d’enrichir le propos développé dans des écrits déjà publiés, en puisant dans de nouvelles lectures et par l’ajout de notes ou d’analyses plus précises, tant pour les travaux concernant les musiques populaires que pour ceux qui ont trait aux représentations sociales. Dans le chapitre 1, on se livre à une sorte d’autobiographie professionnelle, mise en rapport avec les enjeux psychosociaux et administratifs de légitimation dans des laboratoires de recherche où un professionnel est représentant d’une discipline minoritaire (psychosociologie). On assiste, en effet, depuis la fin des années 1980 à une réorganisation complète des modes d’insertion et de reconnaissance professionnels des chercheurs. L’obligation d’intégrer une seule équipe, quel que soit le cas de figure, conduit à suivre une carrière asymptotique surtout si l’on est porteur d’une problématique de recherche non conforme (approche monographique sur un objet de recherche jugé marginal en psychologie sociale). De plus, quand le chercheur n’appartient à aucune des disciplines de recherche dominantes d’une université, on se retrouve devant des apories et des difficultés professionnelles et intellectuelles redoutables. Ce type de chercheur est, d'une certaine manière, acculé soit à la marginalité scientifique intra-organisationnelle, en développant un collège invisible de correspondants externes à son institution de travail, soit à la position de leadership ou de manager, en entrant dans les conseils d’administration pédagogiques, administratifs ou scientifiques de son établissement. C’est aux conséquences de ces contraintes structurales qu’est consacré le premier chapitre. On propose ensuite (chapitre 2) une approche synthétique des enquêtes effectuées sur les musiques populaires et un commentaire critique de la vogue des recherches ethnométhodologiques et apologétiques sur ces phénomènes. C’est parce qu’on a beaucoup écrit et publié, tant en France qu’à l’étranger, sur ces « objets » de travail et que l’on se retrouve désormais à un moment de commentaire des données empiriques monographiques et de prise de distance par rapport aux travaux de certains chercheurs, activateurs d’une théorisation fascinée de ces pratiques. Une bonne partie de ce chapitre est organisé autour de ce questionnement critique et à la défense du modèle dit de l’ « état acide » construit lors de la thèse (1980-1986). Dans le chapitre 3, il s’agit de présenter les données complètes d’un travail, non encore publié dans une revue de référence, d’une recherche qualitative-quantitative sur les représentations sociales de la pauvreté. L’approche de l’objet « pauvreté » est faite par entretiens semi-directifs (80 sujets). Une analyse de contenu thématique et du lexique, généré par un test associatif, est aussi présentée. Différents éléments sont à noter : l’effet d’accaparement cognitif des termes « faim » et « argent » par les sujets pauvres et les classes moyennes supérieures quand on leur demande de définir le terme « pauvreté » et la construction du noyau central de la pauvreté autour du prototype du sans-abri, en région parisienne (impliquant une minoration de la pauvreté dite « sociale » et associées aux catégories socio-économiques modestes : immigrés, ouvriers, employés, habitants des quartiers sensibles). Dans le chapitre 4, une distinction théorique et pragmatique courante sur les formes de recherche de reconnaissance sociale est formulée : la socialisation par l’« identité » et celle par l’élaboration d’une œuvre ou d’un « accomplissement vocationnel ». Un modèle d’étude fondé sur cette distinction élémentaire, visant à rendre opérationnelle cette comparaison et renvoyant à des mouvements sociaux et politiques très différenciés, permettrait de mieux appréhender l’évolution des sociétés contemporaines quant aux problématiques de gestion des identifications culturelles et donc d’intégration sociale et de construction de l’individualité. Une problématique d’étude de l’émergence d’une constellation de conduites hétérodoxes et anomiques est formulée. Au chapitre 5, c’est la nature et la forme des états mystiques, durant cette phase historique et contemporaine, étrange de postmodernité, qui sont questionnées. Transe, rage, représentations sociales du soi, états modifiés de la conscience, ritualisations et esthétiques de la violence, des blasphèmes et de la contestation, sont autant de clés d’entrée et d’analyse pour appréhender une foisonnante réalité culturelle. On questionne alors le sens de l’invention d’émotions collectives polymorphes, en reprenant une thématique classique de recherche sur les conséquences de la dérégulation morale et communicationnelle (notamment sur l’anomie durkheimienne et mertonienne) dans les sociétés européennes. Le chapitre 6, de type conclusif, est axé sur l’exposition de deux perspectives de recherche : les représentations sociales du travail et celles de la pauvreté. Quelques commentaires finaux sur l’importance d’une interdisciplinarité conviviale et institutionnalisée ponctuent l’ouvrage. Dans ce volume d’HDR, il s’agit de proposer diverses pistes de travail et orientations de réflexion dans un design de recherche, confronté à divers exigences organisationnelles et contemporaines et centré sur des problématiques sociétales et actuelles. L’importance de l’analyse psychosociologique des interactions et des conduites a été affirmée tout au long de cette biographie professionnelle et de cet écrit de synthèse prospective.