Cette thèse se situe dans la continuité des recherches sur Nerval et le romantisme menées par Michel Carle, Gabrielle Chamarat, que je tiens à remercier à nouveau ici, Max Milner, François Constans, Favorisée par la publication de textes méconnus de Nerval dans la dernière édition de la Pléiade (publiée sous la direction de Michel Brix et de Claude Pichois et avec le concours de Lieven dHulst, Jean-Luc Steinmetz, Jean Ziegler, Jacques Bony), "Satire, révolte et utopie (1826-1855)" se propose de réévaluer l'ensemble de la production de l'auteur à l'étude. La recherche présentée ici ne se fonde pas exclusivement sur les textes de la fin de la carrière littéraire du poète. Elle interroge l'ensemble de l'oeuvre à partir des premières publications et, notamment, des satires et poèmes politiques dans lesquels Nerval manifestait déjà son intérêt pour la question sociale et une connaissance narquoise des premiers socialistes pour lesquels il allait afficher un intérêt marqué dans Les prophètes rouges puis dans Les illuminés - véritable généalogie d'une pensée sociale qu'il ne dissociait en rien de la vision et de la prophétie. Une saisie globale de cette oeuvre, publiant conjointement les premiers poèmes de Nerval, les articles de presse, les pensées, le drame politico-historique co-écrit avec Dumas (Léo Burckart), ou encore Les faux-Saulniers, première version politiquement subversive d'Angélique, mettait en relief une nouvelle image de Nerval. Elle tendait à minimiserle "fou" et "l'insensé sublime" au profit de l'esprit frondeur, facétieux, du premier Nerval, libéral et bohème, marginal sensible et altruiste, parfois révolté contre l'autorité paternelle, qui s'est aussi illustré dans le genre du conte (Les contes du bousingot). Mais, loin de de nier la fascination de l'auteur pour les cosmogonies les plus fantasques,la thèse présentée ici montre le lien dialectique tissé tout au long de la carrière littéraire de Nerval entre la pensée critique du politique et la pensée organique et harmonique de l'utopie. L'opposition de Nerval est abordée selon différents prismes. L'examen de son itinéraire politique permet de suivre les fluctuations de Nerval et sa réaction aux troubles de son temps (révolutions); ce parcours permet de constater qu'il a été sensible à tout ce qui pouvait restreindre la liberté ou faire le lit de la guerre civile, et qu'il avait anticipé sur le coup d'Etat de Napoléon III. La seconde partie sur la religion se superpose à la première et la prolonge. La religion fait la part belle aux figures sataniques, liées à la révolte par le symbole du "rouge". La révolte contre le père et l'invention d'une religion syncrétique à visage féminin, intégrant la mère et le fils, forment une autre strate de l'attitude globalement contestataire de cet éternel "bousingot" qu'est Nerval. L'idéologie oppositionnelle, examinée dans la troisième partie montre que la construction identitaire et l'espace sont parties prenantes de cette volonté d'être autre et ailleurs, en réaction au monde tel qu'il ne va pas. L'espace est voué à la transgression des limites, à l'arabesque, au tellurique, avant de s'ouvrir sur le cosmos et le rêve d'une "conspiration universelle" offrant une vision rêvée de l'harmonie. Un autre versant de son oeuvre, plus souriant, présente le Nerval malicieux, goguenard, gavroche, qui tente d'échapper à la mélancolie - il en est question dans la quatrième partie de la thèse.