« Ubérisation » : le terme est désormais entré dans la langue courante. Substantivé, le cas particulier des chauffeurs Uber se mue en généralité pour désigner une transformation de l'économie et des formes de mise au travail rendues possibles par l'outil numérique. Face à ces transformations, le droit du travail est sommé de réagir. Il lui faut impérativement repenser ses frontières, adapter ses protections. Les réactions du droit du travail sont déjà en germe. Selon certains, le remède doit être recherché dans la requalification de ces relations en contrat de travail. C'est l'option que suggère notamment l'action en justice de l'URSSAF concernant les chauffeurs Uber. La loi Travail paraît marquer une plus grande défiance à l'égard des solutions du droit du travail par la création (a minima) d'un tiers régime à l'intention des travailleurs des plateformes aux articles. Ces hésitations font surgir une interrogation : le droit du travail peut-il répondre aux défis de l'ubérisation ? S'il est un point d'accord entre Alexandre Fabre, Professeur à l'université d'Artois, et Marie-Cécile Escande-Varniole, Maître de conférences à l'Université Lumière de Lyon, c'est celui de ne pas rabattre la réflexion sur le seul cas des chauffeurs Uber. Pour le premier, une analyse précise des pratiques contractuelles des plateformes fait surgir leur diversité. Toutes ne sont pas réductibles en un seul modèle. Les qualifications du droit du travail ne peuvent toujours faire plier celles des autres branches du droit. Pour la seconde, l'ubérisation présente cette originalité d'être un phénomène global qui met à l'épreuve la plupart des droits nationaux, au-delà de la diversité des histoires nationales de la qualification de travailleur salarié. Aussi une perspective comparée est-elle particulièrement fructueuse pour saisir le dépassement en devenir de la subordination.