Les karsts de Patagonie (Archipel de Madre de Dios, Chili, 50°S) comptent parmi les plus spectaculaires de la planète. Ce sont pratiquement les plus arrosés (précipitation > 8000 mm / an), les formes de surface y sont éloquentes et les taux de dissolution superficielle y sont estimés supérieurs de 100 mm / millénaire à partir de socles d'erratiques glaciaires, de dykes exhumés ou de peintures historiques en relief. Karsts de façade maritime, en contexte subpolaire océanique, à la croisée entre mer et montagne, ils constituent des enregistreurs pertinents des variations climatiques et eustatiques de la fin du Quaternaire. Au cours d'une série d'expéditions géographique et spéléologique menées entre 2000 et 2010, plusieurs travaux de recherches ont pu y être entrepris. Ainsi le croisement d'observations géomorphologiques menées (i) sur les empreintes glaciaires (paléo-vallées glaciaires, surfaces de rabotage, erratiques...) ; (ii) sur les variations eustatiques (bathymétrie des fjords, encoche marine, grottes marines perchées...) et (iii) sur le karst lui même (cavités à dominante verticale, surfaces lapiazées...) a permis de proposer un cadre d'évolution paléogéographique cohérent depuis le dernier maximum glaciaire. Cependant les données de calages absolues manquent encore. L'indigence des spéléothèmes, l'absence de dépôts glaciaires ne facilitent pas l'inscription de cette évolution dans un cadre précis. Deux pistes ont été investies pour l'affiner : (i) l'analyse des grottes marines perchées, contenant des restes de cétacés et des traces anthropiques et (ii) l'évaluation fine des vitesses de dissolution à partir de l'instrumentation d'un bassin versant expérimental. Au final, bien que situés en conditions climatiques extrêmes et impliquant de grosses difficultés techniques pour mener instrumentations et observations, les karsts de Patagonie se sont avérés pertinents pour une analyse des relations fines qui unissent ici morphogenèse karstique, héritage glaciaires et eustatisme.