"Attendu, [que] dans l’intérêt du bien-être général, il importe que les capitaux, surtout lorsqu’ils sont considérables, ne restent pas concentrés et immobilisés dans les mêmes mains et soient au contraire mis en rapide circulation ; Que c'est actuellement le seul moyen de faire participer le plus grand nombre à la fortune publique et de faciliter le retour à la masse de ce qui, depuis une ou plusieurs générations, en était sorti au profit d'un seul" [Trib. civ., Château-Thierry, 29 oct. 1902]. "Attendu, en effet, que l'un des principes fondamentaux de notre état social réside actuellement dans l'intangibilité du droit de propriété, défini par la plupart des juristes : « le droit d’user et d’abuser » ; Qu'enlever à un citoyen qui n'est ni en état de démence, d'imbécillité ou de fureur, mais simplement prodigue, la libre disposition de ses biens, c'est porter une grave atteinte à ce principe ; " [Trib. civ., Château-Thierry, 24 janv. 1906]. Insolites, iconoclastes, ces deux jugements du "bon juge" Paul Magnaud, permettent de remonter aux fondements de la mesure de protection juridique par assistance, au principe de nécessité d'habiliter un tiers protecteur à exercer un droit de veto ou à sécuriser un acte de disposition, un acte qui a des conséquences importantes dans le patrimoine du sujet à protéger (vente d'immeuble, hypothèque, transaction, etc). Alors que le Tribunal de Château-Thierry souligne les bienfaits de la prodigalité pour refuser d'accueillir deux demandes de désignation d'un conseil judiciaire, les deux jugements permettent aussi de montrer l'évolution du droit civil (personnes - patrimoine - obligations) par rapport à la prodigalité. Comment elle fut plus sévèrement contenue par la loi du 3 janvier 1968 en ouvrant la tutelle pour prodigalité ? Puis comment elle fut apparemment écartée de la lettre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs qui subordonne toute demande de curatelle ou de tutelle à une cause médicale constatée dans un certificat médical circonstancié ? Mais comment elle finit subrepticement par réapparaître dans les jugements contemporains de curatelle renforcée qui tentent d'éviter les surendettements des particuliers et les conséquences néfastes des expulsions des logements ? Entre les principes et leurs applications, les distorsions sont souvent moins apparentes que réelles.