Première femme à avoir remporté une bourse de voyage à l’issue du Salon des artistes français de 1889, première femme à laquelle le jury de l’Exposition universelle décerna une médaille d’or, première sculptrice décorée de la Légion d’honneur pour ses œuvres en 1900, etc., Marcelle Lancelot compte parmi ces sculptrices à avoir ambitionné de faire carrière et à avoir mis tout en œuvre pour y parvenir. Dotée d’un talent artistique précoce que son père, le lithographe Dieudonné Lancelot, et les amis de son père, tels qu’Hubert Ponscarme et d’Eugène Delaplanche, façonnèrent ainsi que d’une double capacité à modeler en bas-relief et à tailler l’acier, elle exposa dès ses quinze ans aussi bien dans la section sculpture que dans la section gravure en médailles du Salon. Sa polyvalence ne s’arrêta pas là. Elle produisit dans tant d’autres disciplines (peinture, pastel, lithographie) que sa production mérite d’être interrogée au prisme de l’intermédialité. La question de la transnationalité de son parcours s’impose aussi en considérant son installation à Rome à la suite de son mariage avec le sculpteur italien Odoardo Croce en 1892. Depuis son atelier de la rue Margutta, la sculptrice s’immergea dans la communauté cosmopolite des artistes étrangers – elle fut notamment proche d’Ernest Hébert, ex-directeur de Villa Médicis – et comprit rapidement les opportunités qui pouvaient lui être offertes au sein d’une ville en pleine transformation et modernisation, conséquence du nouveau statut de Rome en tant que capitale depuis 1870. Conceptrice de médailles pour la papauté (Léon XIII, 1900), la famille royale (Umberto Ier, 1901), les autorités italiennes (on retient notamment une série métallique célébrant l’Unité du pays) jusqu’à se compromettre dans la réalisation d’un profil métallique de Mussolini (1926) qui ne lui fut jamais payée, elle ne cessa pour autant jamais de répondre à la commande publique française, notamment pendant la Première Guerre mondiale (L’œuvre des Barbares, 1916-1919). Hormis la documentation française, l’étude de cette production s’appuie sur les Archives historiques du Sénat de la République italienne et les Archives historiques de l’Accademia di San Luca jusqu’alors jamais dépouillé pour le cas de cette artiste. Elles permettent de saisir à quel point Marcelle Lancelot-Croce, qui fut aussi la première sculptrice d’origine française à bénéficier de commandes émanant du nouvel état-nation, fut soutenue par le sénateur Giovanni Barracco. En outre, elle élargit le cercle de ses recommandations en intégrant en 1906 le comité de la première association artistique féminine d’Italie. Ainsi, revenir sur sa trajectoire professionnelle est intéressant pour saisir à quel point la création médaillistique fut émancipatrice pour cette sculptrice, sans faire d’elle un modèle d’artiste féministe, ce qu’elle ne revendiqua jamais. Plus intéressant est la question des réseaux parisiens, romains, voire troyens dans lesquels elle gravita pour trouver du travail. La ville de Troyes lui ayant en effet servi à plusieurs reprises de refuge, le musée des beaux-arts conserve actuellement un important fonds qu'il reste à valoriser.