Au début de l’année 2020, la célérité de la transmission virale d’un coronavirus inconnu participe de la saturation rapide des conditions d’accueil hospitalier de patients en détresse respiratoire. Se répand alors, pays après pays, la pandémie « Covid-19 » (Corona virus disease) forçant les autorités ne possédant ni traitement ni vaccin, à limiter de façon brutale et drastique les déplacements, les rencontres, les contacts physiques imposant alors en tous points du globe la distanciation sociale ! Fait remarquable, cette viralité biologique s’accompagne d’une viralité informationnelle : les médias, les réseaux sociaux vont « feuilletonner » (Benassi, 2017) participant à la création et à la diffusion planétaire d’un récit dont le principal protagoniste est ce virus, signature biologique dont on peut suivre les péripéties (propagation, contaminations et conséquences médicales [symptômes, décès, guérisons], biologiques [mutations] quantifiées par de nombreux sites web à force de tableaux et de courbes quotidiennement mis à jour. Vécue et observée à travers les écrans, la pandémie s’invite dans les discussions interpersonnelles et sur les plateaux d’émissions de télévision. C’est par la mise en circulation de tableaux et de graphiques émanant de milliers de sources que l’on s’informe quotidiennement et que les dispositifs s’ajustent. A travers les médias sociaux, les groupes WhatsApp, les téléphones, les conversations numériques échangent et commentent des témoignages, des ressentis, et s’affichent, se discutent les performances épidémiques de la « covid-19 » (nombre de cas signalés, les décès et de guérisons par pays). Les écrans en réseau deviennent alors des cadres expérientiels qui reconfigurent les activités personnelles et professionnelles et rendent possibles les transferts relationnels. Ces interfaces servent non seulement à s’informer, communiquer mais aussi à se divertir, se soutenir. Or la Covid-19 intervient, soulignons-le dans un contexte de développement, entre télévision et internet, d’une culture des séries télévisées, histoires qui mettent en scène personnages et situations dont l’épaisseur narrative se dévoile petit à petit, au gré des péripéties d’un scénario ouvert. Les intrigues récurrentes, les rebondissements incessants ont pour principal objectif la captation et la fidélisation du public. Cet article se propose de critiquer le recours à la métaphore (Morelli, 2018) des vagues de contamination, supports démonstratifs fort appréciés par les médias mais par trop insuffisant à reproduire la complexité des situations rencontrées et partagées. Pour comprendre la situation actuelle, et construire les conditions objectives de sa mise en mémoire pour plus tard, nous opterons pour le modèle des séries télévisées (Morelli, 2021) qui à travers leur puissance immersive, les mécanismes narratifs propres à ce genre télévisuel (rebondissements, cliffhangers…) organisent le récit en différentes saisons et le rendent de plus en plus addictif (Boutet, 2017). Mis au service de la reconstitution objective et subjective des événements traversés, le modèle des séries télévisées participe de la constitution et de la compréhension et des mémoires singulières et collectives de l’histoire de la Covid-19.