Cristoforo Buondelmonti (vers 1380-1430) est une figure majeure, bien que mal connue, de l’histoire de la cartographie humaniste. Son œuvre principale, le Livre des îles de l’Archipel a fondé le genre littéraire du livre d’îles, isolario ou insulaire, qui fleurit à partir de la fin du XVe siècle et au XVIe siècle. Formé auprès des cercles humanistes de Florence au début du XVe siècle, à une époque d’émulation intellectuelle suscitée par la traduction en latin de la Géographie de Ptolémée, il entreprend un voyage dans les îles grecques entre 1414 et 1430 environ, avec pour ambition d’améliorer sa connaissance du grec ancien et de découvrir des manuscrits et des vestiges de l’Antiquité. Le Liber Insularum Archipelagi, dont il existe plusieurs versions composées entre 1420 et 1430, nous est parvenu à travers environ 70 manuscrits conservés, illustrés de cartes toutes différentes. Ce sont de petites vues à vol d’oiseau de chacune des 79 îles décrites tour à tour dans le texte, avec des détails de la topographie, de l’occupation humaine et des principaux monuments. Jusqu’à présent, l’œuvre de Cristoforo Buondelmonti a surtout été étudiée comme un jalon vers la naissance de l’archéologie (avec les écrits de Cyriaque d’Ancône), ou comme un témoin de l’évolution politique des îles de la mer Égée et de l’espace grec conquis par les Turcs ottomans. Or l’analyse détaillée de sa description des îles révèle également toutes sortes de détails sur les ressources naturelles de ces îles et leurs conditions géographiques, climatiques et géologiques. Buondelmonti emprunte aux auteurs antiques et médiévaux des remarques d’histoire naturelle, associées à ses observations sur le terrain, sur des sujets aussi variés que les ressources agricoles, l’exploitation des mines de soufre à Nisyros, le mastic de Chios, les tremblements de terre et le volcanisme à Santorin, le climat de Rhodes, les recettes médicales à base d’huile d’onagre (âne sauvage) pratiquées à Sikili, etc. À la lumière d’une histoire renouvelée de l’environnement, attentive à la fois aux détails de la description géographique et aux cartes qui l’accompagnent, nous proposons d’examiner ici ces remarques de Cristoforo Buondelmonti pour comprendre sa conception de l’espace naturel des îles, de ses interactions avec ses habitants, et de ses évolutions depuis l’Antiquité jusqu’à son époque. Nous nous interrogerons enfin plus généralement sur les usages de ce texte et de ses cartes dans la transmission d’une cartographie locale attentive aux données que nous qualifions aujourd’hui « d’environnementales ».