De nos jours, de plus en plus d'écoles doctorales exigent un financement pour les thèses, dans le but de protéger les étudiants, de leur permettre de se concentrer pleinement sur leur recherche et d'assurer une formation doctorale de qualité. Parmi les options disponibles, le programme des Conventions Industrielles de Formation par la Recherche (CIFRE) devient de plus en plus attractif, tant pour le milieu académique que pour les entreprises (De Feraudy et al., 2021). Néanmoins, parmi les doctorants en CIFRE, seuls 29 % travaillaient sur un sujet en SHS à la rentrée 2020-2021. Venant d’achever notre doctorat en sciences de l’éducation et de la formation, financé grâce à ce type de contrat, nous proposons une communication axée autour de cette expérience, développée au sein du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) de la Moselle. La thèse, démarrée en 2020, portait sur la formation initiale et la professionnalisation des sapeurs-pompiers volontaires et poursuivait deux objectifs principaux : cerner les différents profils de sapeur-pompier volontaire, afin de déterminer s’ils pouvaient avoir un impact sur la formation initiale, et appréhender la professionnalisation de cette population, ainsi que l’impact de la formation initiale sur celle-ci. La recherche a été articulée autour d’une double méthode, quantitative et qualitative, et a permis d’interroger des sapeurs-pompiers volontaires toujours en activité, mais également des individus qui ont fait le choix de quitter le milieu au cours des premières années de leur engagement. Il s’agit d’une recherche académique plutôt classique dans sa forme, qui ne peut être considérée comme une recherche-action, régulièrement mobilisée dans le cadre de thèses CIFRE (Dulaurans, 2012 ; Hellec, 2014 ; Phé, 2022). La démarche méthodologique a été proposée par le laboratoire de recherche et acceptée par le SDIS dès la construction du projet de recherche. Effectuer une thèse dans le cadre d'une CIFRE offre la possibilité d'accéder à des terrains de recherche rares et parfois difficiles à atteindre dans d’autres circonstances. Peu de recherches en SHS ont été consacrées aux sapeurs-pompiers volontaires jusqu’à présent et un financement de cette nature a constitué une véritable opportunité d'étudier cette population. Néanmoins, la question de la place du chercheur au sein de la structure s’est rapidement posée. Le projet de recherche a été rédigé en privilégiant une position externe, afin d'éviter une influence interne excessive, dans un environnement caractérisé par un fort sentiment d'appartenance, qui aurait pu altérer les résultats. Bien que cette approche soit favorable à la progression des travaux, elle a compliqué l'intégration au sein des équipes, car les interactions étaient limitées. Par conséquent, gagner la confiance de certains acteurs s'est avéré difficile, et certains services de la structure ont parfois été réticents à fournir les données nécessaires à l'enquête. Par ailleurs, l’appropriation des résultats par l’entreprise d’accueil demeure incertaine (Ould-Ferhat, 2008). Une thèse CIFRE repose sur un enjeu majeur : il s’agit d’articuler travail scientifique et réponse à des besoins professionnels identifiés dès le projet de recherche. Cependant, les résultats obtenus peuvent parfois décevoir l'entreprise partenaire (Hellec, 2014), parce que les hypothèses ne sont pas confirmées, parce que les conclusions ne correspondent pas aux attentes initiales des acteurs impliqués ou encore parce que les résultats remettent en question certaines pratiques établies. Dans le cas de la thèse présentée, certains résultats ont été difficilement accueillis au sein de la structure. Des échanges enrichis par des exemples concrets ont permis une prise de conscience, mais une forte résistance persistait chez certains acteurs. Pour faciliter l’appropriation des résultats, un rapport interne a été rédigé pour la direction du SDIS, exposant en détail les problèmes identifiés au cours des trois années de recherche et proposant des recommandations pour les résoudre.