L'équipe d'Instagri (6 personnes, géographes, sociologue, historien) travaille sur l'installation agricole dans la vallée du Vicdessos depuis 2018 en y allant le plus souvent possible, en observant et rencontrant les personnes directement ou indirectement concernées pour des entretiens longs, parfois réitérés pour comprendre les évolutions en cours. Un élément clé de la plupart de ces installations est la possibilité d'usage de parcelles peu productives mais proches des lieux d'habitation. Cela passe le plus souvent par la création d'associations foncières pastorales (outil juridique issu de la loi pastorale de 1972 qui permet la gestion collective d'un ensemble de parcelles de propriétaires différents). Dans le cas d'AFP dites autorisées, la participation volontaire d'au moins 50% des propriétaires possédant 50% des surfaces permet au préfet d’autoriser la constitution de l’AFP sur l’ensemble du périmètre, y compris sur les parcelles appartenant à des propriétaires opposés au projet Il y a donc comme un « don » de terre fait à l’utilisateur de ces surfaces, souvent un agriculteur ou agricultrice en installation, qui apparaît de ce fait comme « bénéficiaire » du don, qu'il soit librement consenti ou contraint. Il se trouve que cela génère dans les deux cas l'attente d'une contre-partie, d'autant plus vive que les parcelles sont sous le regard de tous, car proches des résidences principales ou secondaires des propriétaires, et que le travail agricole y demande un fort engagement physique. Or, une contre-partie qui pourrait être attendue selon la justification de certaines collectivités, « l'ouverture paysagère », opère peu car les normes d'entretien de l'espace et d'apparence attendue évoluent sans cesse. Une autre, qui pourrait être en rapport avec le maintien d'un « travail agricole » n'est guère plus opérante car les formes du travail agricole ont beaucoup évolué par rapport à ce dont la mémoire a gardé trace depuis sa propre jeunesse, les souvenirs des anciens, voire une vision patrimonialisée de la vie pastorale. Pour autant ce travail, fourni par les installé·e·s, est conséquent et prend une dimension d'engagement du corps tel qu'il crée à sa façon chez elles et chez eux aussi une attente de reconnaissance... Des deux côtés donc on attend quelque chose qui, ne venant pas, semble créer une tension latente... On n'est certes pas en régime de contrat, d'un donnant-donnant qui serait simple à vérifier, ni dans le régime du don-contre-don mis en évidence par l'anthropologue Marcel Mauss, où le don en retour peut être différé et adressé à quelqu'un d'autre que le premier donateur... En l'absence d'un concept intermédiaire existant, l'équipe d'Instagri le nomme « contrat implicite » et continue d'en observer les effets sur l'installation agricole, notamment en Vicdessos.