Les pratiques culturelles populaires, bien vivantes mais « invisibles », comme l’ont remarqué souvent historiens, sociologues et ethnologues, sont rarement bien documentées. Parmi ces usages menacés par l’oubli malgré leur ampleur et leur longévité, les pratiques culturelles fondées sur la performance, comme le théâtre ou la littérature orale, ont été souvent portées par des amateurs et ont contribué d’une manière décisive quoique méconnue, par leur pouvoir de popularisation des récits, à l’avènement d’une première culture médiatique pré-audiovisuelle, dont la longue traîne persiste en France tout au long des Trente glorieuses malgré l’hégémonie médiatique du cinéma et de la radio puis de la télévision. En rupture avec cette cécité, on prendra pour objet d’études le théâtre amateur francophone de l’Entre-deux-guerres aux années 1970, à partir du cas emblématique du Théâtre amateur vendéen, dans la grande majorité des cas de patronage, sur lequel un fonds spécifique a été rassemblé. On se propose ici de montrer que ce théâtre amateur, peut être aujourd’hui analysé non seulement comme un « fait social total » (Marcel Mauss), dans le cadre d’une enquête ethnographique complétée par un dépouillement d’archives aujourd’hui numérisées, mais aussi saisi comme une variante de la culture médiatique du XXe siècle, à partir d’une analyse de son répertoire par distant reading outillé numériquement ou par close reading révélant le compromis pragmatique entre divertissement et volonté d’édification.