Fruit d’un modèle d’aménagement qui encourage les concentrations industrielles sur le littoral, la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer incarne le gigantisme et la démesure des projets économiques de l’après-guerre. Souvent présentée comme un pur produit de la politique de la DATAR et du volontarisme d’un État néo-colbertien qui reprend en main les affaires portuaires au détriment des acteurs locaux, cette réalisation a été aussi imaginée, voulue et accompagnée par les élites économiques marseillaises qui y ont vu un moyen de résister à la crise des secteurs d’activité traditionnels ébranlés par la concurrence internationale. Le glissement des activités lourdes à l’ouest de Marseille contribue ainsi à créer de nouveaux bassins d’emploi et à reconfigurer les fonctions urbaines sur le territoire, tout en impliquant la création d’une ville-nouvelle – ou plutôt de quartiers nouveaux – autour de l’ancien village de Fos. Les travaux engagés à partir de 1965 conduisent à une transformation radicale des paysages et des écosystèmes littoraux, tandis que les risques sanitaires s’aggravent pour les riverains en raison de l’installation d’industries pétrolières et sidérurgiques polluantes à proximité d’espaces urbanisés. À la faveur d’un ancien conflit environnemental opposant pêcheurs et compagnies pétrolières, de la médiatisation des conditions de travail sur le chantier et de l’émergence d’une écologie politique promouvant un autre modèle de croissance au tout début des années 1970, la ZIP de Fos devient bientôt la cible de critiques qui ne laissent pas les aménageurs indifférents. Des réflexions sur la préservation des espaces naturels de la Crau à l’application de la première directive Seveso, la communication analysera les ambiguïtés de cette « prise de conscience » qui met le discours et les actions environnementales au service de la pérennisation des activités économiques.