En marge des monuments historiques traditionnels, les édifices industriels ont progressivement acquis une reconnaissance patrimoniale. Cependant, ces nouvelles typologies architecturales s’adaptent mal à une muséification du bâti (pathologies du béton, amiante, corrosion des fers, etc.). Entre difficultés techniques de conservation et quête de légitimité, la reconnaissance de ce patrimoine reste fragile : ce secteur représente 1.9 % des monuments inscrits ou classés. Qui plus est, 8% des radiations de protections, effectuées depuis 1990, concernent des bâtiments industriels. Dans les 3/4 des cas, moins de quinze années se sont écoulées entre la protection et son annulation, ce qui atteste de la fragilité de cette reconnaissance patrimoniale. La thèse engagée à l’ENSAL porte sur les critères de sélection des monuments historiques, par le biais des annulations de protections depuis 1990. Cette étude vise à comprendre les enjeux des politiques de protections patrimoniales, entre la valeur intrinsèque d’un bien et sa valorisation effective par les pouvoirs publics. La parfumerie Chiris de Grasse (06) illustre ce parcours inachevé de reconnaissance patrimoniale. Inaugurée en 1899, protégée en 1989, “ Le bâtiment (...) a été démoli en 1999 (...) pour permettre la construction du nouveau palais de justice. (...) radié de l’inventaire supplémentaire par arrêté du 18 octobre 2004. ”. Certains bâtiments industriels, étroitement liés à leur fonction, sont parfois voués à disparaitre lorsque l’activité s’interrompt (tuilerie de Trondes (54), papeteries de Villette à Corvol-l’Orgueilleux (58), moulin de la Roche à Fontenay-le-Comte (85)...). En effet, dans ce registre “ la reconnaissance de la valeur patrimoniale d’un édifice ne suffit pas [toujours] à assurer sa conservation ”(E. Réal, Réhabilitations textiles en Haute-Normandie, dans Traces, trajectoires et territoires(s), Pôle régional du textile, 2005, p. 21-26). D’autres édifices trouvent un “ second souffle ”, en devenant des lieux culturels. Cette reconversion fait cependant l’objet de débats, qui freinent le processus de patrimonialisation. Cette étude, qui peut s’intégrer à la session n°3, met en exergue le fonctionnement institutionnel, les choix politiques, économiques et sociétaux, qui impactent la sauvegarde du patrimoine monumental, particulièrement lorsqu’il s’agit d’édifices industriels.