Comprendre les étapes de déglaciation de la marge orientale de l'Inlandsis Laurentidien (LIS) permet de reconstituer la dynamique de retrait glaciaire à l'échelle continentale. Après l'ouverture du chenal Laurentien vers 14 800 ans cal. BP, la transition sur la Côte-Nord du St-Laurent depuis un front glaciaire essentiellement marin vers un front continental constitue une étape cruciale de la déglaciation. Par sa localisation, le complexe de dépôts marginaux-glaciaires de la région de Rivière-Pentecôte a l'ouest de Sept-Îles offre un enregistrement morphostratigraphique exceptionnel de cette transition. Tandis que l'enregistrement sédimentaire de l'Holocène précoce montre un système d'éventail sous-marin (> 80 m d'épaisseur), la géomorphologie enregistre une succession de terrasses fluvioglaciaires qui se sont développées dans un contexte de baisse relative du niveau de la mer (rebond isostatique, de 150 à env. 100 m). Plus précisement, ce complexe morphosédimentaire se caracterise par : (i) un éventail turbiditique progradant constitué de plusieurs séquences au sein desquelles alternent des dépôts sableux voire conglomératiques (de la bouffée turbiditique aux écoulements de densité) et des faciès argileux marqués par des rythmites (cycles journaliers et/ou tidaux?), parfois à galets délestés, de mieux en mieux exprimées en base des foresets et dans les bottomsets; (ii) un système deltaïque composé de plusieurs génerations de terrasses connectées à des moraines frontales a l'amont, et correspondant à l'aval à des progradations de faciès turbiditique à cyclic steps, et (iii) sous env. 100 m d'altitude, un système constitués principalement de plages soulevées associées à des dunes éoliennes pour les plus anciennes. Ces 3 étapes enregistrent ainsi successivement une évolution margino-glaciaire sous-marine, puis margino-glaciaire continentale (fluvio-glaciaire) et enfin paraglaciaire. Des datations 14C permettent de borner temporellement ce système morphosédimentaire : deux âges (9 130 ans cal. BP, Dredge, 1975 et 9 430 ans cal. BP, Dietrich et al., 2017) datent les derniers foresets alimentés par le fluvio-glaciaire; deux autres âges à 10 620 et 10 530 ans cal. BP, obtenus sur des Hiatella arctica, caractérisent les premières argiles glaciomarines à galets délestés a quelques mètres du contact avec le plancher glaciaire strié. Cette combinaison d'âges indique une mise en place du système glaciomarin à l'Holocène précoce et un abandon du système env. 1 400 ans plus tard. Les séquences identifiées dans l'éventail glaciomarin suggèrent un enregistrement ponctué de plusieurs stabilisations (rythmites puis turbidites sableuses) /réavancées (débrites, conglomérats) de courtes durées (200 ans?). Ces stabilisations/réavancées sont probablement à corréler avec les systèmes de moraines identifiés sur les plateaux adjacents. L'arrêt de la progradation, et donc l'abandon du système proglaciaire est interprété comme la conséquence d'un retrait définitif du front glaciaire et la mise en place du Lac Pentecôte barré par le système de dépôt etudié, et agissant désormais comme puits pour les sédiments glaciaires ultérieurs. Lors de l'évolution paraglaciaire, la rivière Pentecôte avulse et va s'encaisser progressivement pour occuper sa place actuelle permettant la préservation des anciens réseaux fluvio-glaciaires; son dernier lit fluvio-glaciaire accueillant le développement de tourbières. L'un des objectifs de ce travail sera à terme de replacer l'enregistrement morphostratigraphique de Pentecôte dans un cadre chronologique haute résolution en précisant ce qui est du ressort des événements climatiques abrupts de l'Holocène (env. 1000 ans, 100 m), d'une variabilité à plus haute fréquence d'origine allo- ou autocyclique (200 ans? séquences jusqu'à 30-50 m d'épaisseur), jusqu'aux signaux annuels (quelques décimetres dans l'éventail glaciomarin distal) et journaliers (rythmites).