Le second millénaire a été fortement marqué par l’apparition de nombreuses réformes dans le domaine de la santé, présumées garantir la pérennité du service public hospitalier. Ainsi, nous avons pu assister à la modification du financement des hôpitaux, passant de la dotation globale à la Tarification à l’Activité (T2A), ainsi qu’à l’évolution de la gouvernance hospitalière modifiée par l’ordonnance du 2 mai 2005 et par la loi « Hôpital Patient Santé Territoire » (loi HPST), instaurant un modèle plus entrepreneurial dans la hiérarchie hospitalière. Cependant, cette refonte de l’institution publique, censée assurer l’avenir de l’hôpital, semble avoir un effet délétère sur l’engagement de ses professionnels. En réalité, les démissions du service public hospitalier ne cessent d’abonder à mesure des années, engendrant une crise hospitalière sans précédent. C’est dans ce contexte que l’Espace de Réflexion Ethique Bourgogne—Franche-Comté s’est intéressé à l’engagement des médecins envers l’hôpital, au travers d’une étude qualitative portant sur les CHU de Besançon et de Dijon. Les résultats de l’étude confirment les effets néfastes des réformes de santé sur les pratiques médicales : les médecins témoignent d’une perte de sens dans l’exercice de leur fonction du fait des remaniements financiers et hiérarchiques au sein de leurs structures. En effet, les praticiens ont fait le choix d’une carrière médicale par goût pour l’altruisme, le désir de soigner, ou encore le besoin d’aider les autres par le choix d’un métier qu’ils jugent « utile ». Toutefois, l’arrivée des logiques entrepreneuriales dans le monde du soin semblent avoir réduit le savoir médical à sa seule potentialité économique : par la T2A, la pratique médicale se retrouve orientée vers un devoir de rentabilité. De plus, la rationalisation des coûts liée à ces nouveaux modes opératoires, rendent les manques pluriels au sein des établissements de santé : manque de personnel, fermetures des lits, manque de budget… En conséquence, les professionnels de santé, guidés par l’angoisse permanente de devenir maltraitants envers leurs patients, doivent s’investir davantage au sein de leur pratique, parfois même au détriment de leur santé. Par ailleurs, les médecins en quête d’un meilleur environnement professionnel, ne semblent pas avoir la possibilité d’améliorer leurs conditions de travail, du fait même de la nouvelle organisation hiérarchique. Nous pouvons constater qu’une rupture s’est instaurée entre la direction hospitalière et les acteurs de terrain, engendrant un conflit macro et microsocial au sein de l’hôpital. De fait, ces récentes mesures interrogent sur les nouveaux enjeux éthiques liés à la pratique médicale.