Dans Régimes d'historicité : présentisme et expériences du temps (Paris, 2012), François Hartog dénonce l’omniprésence de la mémoire au détriment de l’histoire dans notre monde contemporain. Or, même s’il se focalise sur ce qu’il appelle les moments de crise, l’ouvrage repose sur une temporalité qui oppose un ancien à un nouveau régime d’historicité. À l’époque moderne, la naissance du concept moderne d’histoire aurait vidé de sa substance une vieille histoire dispensatrice d’exemples (Historia magistra uitae). Cette vision, qui suit celle de Reinhart Koselleck (Le futur passé, Paris, 1990) doit être interrogée. Dans cette communication qui se focalise sur la période antique, nous montrons que l’histoire ne se résumait pas à l’image qu’en donne Cicéron dans le De Oratore (II, 36), une histoire « vie de la mémoire (uita memoriae), maîtresse de vie (magistra uitae) », et que la mémoire, comme l’oubli, pouvaient être les objets d’enjeux politiques tout autant qu’à notre époque. La liaison entre mémoire et histoire, qui se manifeste aujourd’hui dans les commémorations multiples qui caractérisent le présentisme, apparaît en réalité comme une constante de la confusion entre discours politique, idéologie et histoire.