Introduction et but de l’étude L’optimisation nutritionnelle de produits de grande consommation, tels que les pâtes, avec des ingrédients issus de cultures résilientes aux aléas climatiques, répond aux enjeux environmentaux et de lutte contre la malnutrition. Nos précédents travaux ont abouti à la sélection de quatre formules de pâtes sans- gluten à base de niébé additionné de teff et/ou de feuilles d’amarante, cultures adaptées aux changement climatiques (Pinel et al., 2024). Ces pâtes ont été formulées par programmation linéaire pour répondre aux besoins nutritionnels des adultes en protéines, fibres, fer, zinc, vitamine B9 et bêta-carotène. L’étude présentée ici vise à évaluer la qualité protéique in vitro de ces quatre pâtes à base de niébé grâce à l’utilisation de deux méthodes internationales distinctes. L’impact de l’absence de gluten ainsi que de la teneur élevée en fibres (16-24 %) dans ces pâtes sur leur structure et la digestibilité de leurs protéines sera étudié. De plus, le peptidome obtenu après digestion gastro-intestinale in vitro de ces pâtes sera analysé, en y incluant une étude in silico de leur allergénicité potentielle. Matériel et méthodes La digestion gastro-intestinale in vitro des quatre pâtes à base de niébé ainsi que de trois pâtes témoins développées à partir de semoule de blé dur avec une teneur croissante en fibres (4,5-19 %) a été réalisée selon deux protocoles : le protocole standardisé COST Infogest (Minekus et al., 2014) et celui du kit enzymatique Megazyme® (K-PDCAAS, Protein Digestibility Corrected Amino Acid Score). Les hydrolysats des deux protocoles ont été récupérés en fin de phase intestinale afin d’évaluer la qualité protéique de chacune des pâtes par le calcul du PDCAAS. Sur les digestats issus du protocole Infogest une approche cinétique de l’hydrolyse in vitro des protéines en phase orale, gastrique et intestinale, a été réalisée, ainsi qu'une étude du peptidome libéré après digestion gastro-intestinale par spectrométrie de masse. Les peptides libérés ont été comparés aux épitopes allergènes connus de légumineuses afin d’évaluer la potentielle allergénicité des pâtes au niébé. Une analyse de la structure multi-échelle des pâtes allant du niveau microscopique, au niveau supramoléculaire a été réalisée en parallèle. Résultats et analyses statistiques Les pâtes au niébé ont une structure moins homogène que celle des pâtes au blé traditionnelles en lien notamment à leur teneur élevée en fibres, et possèdent moins de protéines liées par ponts disulfures. Concernant la digestibilité des protéines selon le protocole Infogest, aucune différence significative n’a été observée entre les pâtes à base de niébé et les pâtes au blé traditionnelles en fin de phase intestinale malgré une teneur en facteurs antinutritionnels plus élevée dans les pâtes au niébé. Le PDCAAS de ces dernières était deux fois plus élevé, indépendamment du protocole de digestion utilisé. L’étude peptidomique a révélé que les peptides libérés à la fin de la digestion gastro-intestinale des pâtes au niébé avaient une taille similaire aux pâtes au blé (environ 1150 kDa). De plus, ces peptides provenaient majoritairement des protéines de niébé telles que les vicilines (45%) et légumines (16%) et possédaient des épitopes similaires à ceux d’allergènes reconnus dans d’autres légumineuses. Conclusion La formulation de pâtes à partir de farine de niébé, avec ou sans teff et/ou de feuilles d’amarante, entraine des changements d'origine des protéines majoritaires, de teneur en fibres et facteurs antinutritionnels, et s’accompagne par des changements de structure de la pâte. Cependant, la digestibilité in vitro des protéines des pâtes au niébé n’est pas significativement différente de celles des pâtes au blé dur traditionnelles. Le meilleur équilibre en acides aminés essentiels des pâtes au niébé leur confère une qualité protéique supérieure, les rendant particulièrement intéressantes d’un point de vue nutritionnel. Toutefois, une attention particulière doit être portée à l’allergénicité potentielle de ces nouvelles pâtes.