« L’accaparement des places » sous le gouvernement révolutionnaire : quand l’administration locale est affaire de famille
Résumé
What did we observe in terms of the monopolisation of positions by members of the same family in local government during the Revolution? The aim of this contribution, which focuses on the intermediate administrative level of the districts during the period of the revolutionary government, is to take stock of nepotistic practices at local level. The second and third years of the Revolution represented a particular moment in time, when speeches promoting the idea of a large family, that of the nation, dominated, thereby condemning the pursuit of self-interest and the logic of family solidarity. The Constituents of 1789 were not unaware of the problem, as they drew up legislation to regulate the plurality of family positions in the newly created administrations of the département, district and municipality. We will look at how this legislation was adopted, in a context from 1793 where family ties were the subject of strong suspicion. Did these provisions prevent the concentration of public office in the hands of certain families? This is what we need to measure by looking at two different bodies of work, that of the administrators of the Norman districts and that of the national agents of the districts. Overall, the law was poorly applied, except in the most blatant cases, and above all it struggled to really grasp the phenomenon. The question then remains as to the attitudes of the officials in power, starting with the deputies on mission charged with reorganizing the districts under the decree of 14 frimaire, towards nepotism in local government. Were they eager to put into practice the rhetoric hostile to the accumulation of family posts, or were they relatively indifferent to the subject? This raises the question of the effects of nepotism on administrative practices.
Qu’observe-t-on en termes d’accaparement des places par les membres d’une même famille dans l’administration locale pendant la Révolution ? Prendre la mesure des pratiques népotiques au niveau local est l’objectif de cette contribution qui se concentre sur l’échelon administratif intermédiaire des districts pendant la période du gouvernement révolutionnaire. L’an II et l’an III représentent en effet un moment particulier durant lequel dominent les discours qui mettent en valeur l’idée d’une grande famille, celle de la nation, et qui condamnent par là même la poursuite de l’intérêt personnel et les logiques de solidarités familiales. La problématique n'a pas été ignorée des Constituants de 1789 puisqu’ils mettent en effet au point une législation visant à encadrer le cumul familial des places dans les administrations nouvellement créées, le département, le district et la municipalité. On verra les modalités d’adoption de cet appareil législatif, qui se double, à partir de 1793, d’un contexte où les liens familiaux font l’objet de fortes suspicions. Ces dispositions préviennent-elles le phénomène de concentration des postes publics aux mains de certaines familles ? C’est ce qu’il conviendra de mesurer en considérant deux corpus, celui des administrateurs des districts normands et celui des agents nationaux des districts. Le constat est celui d’une loi globalement mal appliquée, sauf dans les cas les plus flagrants, et qui peine surtout à saisir véritablement le phénomène. Il restera alors à s’interroger sur les attitudes des représentants du pouvoir, à commencer par les députés en mission chargés par le décret du 14 frimaire de la réorganisation des districts, face au népotisme dans les administrations locales. Sont-ils soucieux de concrétiser dans les faits les discours hostiles au cumul familial des postes ou relativement indifférents au sujet ? Voilà qui conduit finalement à questionner les effets du népotisme sur les pratiques administratives.