Les recherches sur les épidémies de peste historiques ont, ces dernières décennies, connu un important renouveau, qu’a notamment permis la multiplication des travaux archéo-anthropologiques consacrés à leurs témoins matériels. Pour autant, si les articles dévolus aux sites funéraires en lien avec la deuxième pandémie de peste (XIVe-XVIIIe siècles) sont foisonnants, ceux traitant de la première (VIe-VIIIe siècles) restent peu nombreux. À cet égard, le site du "Clos des Cordeliers" à Sens (Yonne) offre une rare opportunité de combler cette lacune. Lors de la fouille de cet espace funéraire en 1989, quatre fosses multiples tardo-antiques de grandes dimensions ont été mises au jour. Le lien de ces inhumations avec la peste a par la suite été étayé par des analyses paléogénétiques. Malgré le caractère exceptionnel de ce site funéraire et le temps écoulé depuis sa découverte, il n’avait jusqu’alors fait l’objet que d’une étude paléobiologique partielle, ce qui nous a conduits à mener un réexamen anthropologique détaillé des 78 squelettes mis au jour. Nos objectifs étaient de caractériser cet assemblage ostéologique d’un point de vue biologique et d’évaluer l’état sanitaire préexistant des victimes de la peste par l’étude d’indicateurs de stress osseux et dentaires. Les résultats, confrontés à ceux provenant d’ensembles funéraires en lien avec la deuxième pandémie, révèlent de sensibles dissemblances avec ces derniers (différence de sex-ratio, moindre surmortalité des adolescents), interrogeant sur d’éventuelles variations dans l’épidémiologie de la peste entre ces deux pandémies.