Les formats envisagés dans les dites « écritures alternatives » n’appartiennent pas tous au registre de l’image. Néanmoins ils manifestent l’importance du visuel dans l’appréhension et la compréhension des environnements actuels. Parmi ceux-là, la photographie et la vidéographie disposent d’une qualité singulière qui est d’être authentiquement « -monstrative ». Les travaux de recherche menés symétriquement par Anne Faure et Cécile Fournel en architecture, design et urban design ont en commun d’associer photographies et vidéos numériques pour déshabituer les regards face à des pratiques de recherche et de communication éprouvées. La démarche s’écarte notamment des études menées en psychologie cognitive sur les effets induits par les images et des méthodologies appliquées en sociologie visuelle (description, enquête, captation). La photographie et la vidéo pourraient ne pas conduire les significations linéairement, mais inciter à « penser visuellement ». En signalant et en désignant leur objet, elles réactualisent une modalité ancienne et ouverte de l’« éduquer » (du latin educare et educere) ; en s’organisant sur le principe du montage ou en combinant des inserts, elles dépassent les contradictions pour « confronter » la pensée. La présente contribution envisage le montage comme un dispositif de valorisation, c’est-à-dire d’augmentation, des savoirs. Il est un dispositif en tant qu’il consiste à poser côté à côte des « pièces » visuelles et/ou phoniques, fixes ou mobiles. Dans le cas des enregistrements numériques et de leur adaptation au support web, cette « augmentation » passe paradoxalement par une certaine concision (impératifs d’échantillonnage et d’étalonnage, avantage des formats courts) dont est bien moins capable le rédactionnel. La communication choisit d’évaluer les conditions de restitution des résultats de trois recherches : 1) Une thèse de doctorat portant sur une question d’anthropologie urbaine (C. Fournel, 2021) propose, avec et à côté du document-texte, un site internet comportant des visuels photographiques et animés. Les montages d’extraits de films, les diaporamas de photographies, les associations entre vidéos et projets de signalétique montrent avec évidence la position soutenue - sans avoir à la démontrer logiquement. Ce type de rendu amené à se développer dans les démarches de « recherche-création » met en difficulté les modèles académiques de dépôt, d’archivage et de diffusion. 2) Une série de « pièces » filmées (A. Faure, 2011 en formats courts renouvellent le regard sur un certain nombre de bâtiments notables. Les inserts visuels et les éléments sonores clairsemés favorisent les associations libres et développent une attention flottante. Ces « tableaux » vidéographiques ne reproduisent pas une scène primitive (il ne s’agit pas de « reconstitutions ») mais « réécrivent » la modernité de ces architectures en faisant travailler une imagination. 3) Un travail de recherche en cours (collaboration C. Fournel et A. Faure) sur les archives dessinées de Max Bill tente de construire dans des lectures visuelles et leur mise en forme dans l’espace et le temps du film, une certaine compréhension de la pensée de l’architecte. L’ambition n’est pas strictement documentaire, elle n’est pas non plus didactique : la production filmée adopte un langage visuel simple qui n’est pas celui des spécialistes, « exerce » le contenu disciplinaire (ici l’architecture) et croise des traditions différentes (fixation par l’archivage et performativité de l’image en mouvement).