Cette communication se proposait d’étudier la tension qui existe chez les professeurs des écoles appelés tout à la fois à être attentifs aux besoins individuels des élèves et à gérer le collectif de classe. Cette tension se traduit par des difficultés professionnelles quand l’hétérogénéité de la classe est grande, ce qui aboutit à la multiplication des exigences attentionnelles obligeant l’enseignant à faire des choix pour prioriser ses interventions dans la classe.

La classe désigne à la fois l’espace « cellulaire » d’enseignement (Tardif & Lessard, 1999) et le collectif d’élève dédié à l’apprentissage. Malgré les évolutions du métier d’enseignant qui ont souligné ses dimensions collectives (Germier, 2014), cette forme de classe reste hégémonique. Ainsi, l’expérience scolaire d’apprentissage est d’abord une expérience collective. Les professeurs tentent de tirer parti de cette dimension en recherchant les dispositifs pédagogiques aptes à fédérer les groupes d’élèves autour d’apprentissages collaboratifs, dans une perspective socio-constructiviste. Ces initiatives sont soutenues par la recherche qui interroge l’efficacité de pratiques telles que le tutorat, la pédagogie de projet ... Pourtant, cette centration sur l’apprentissage par les pairs occulte selon nous celle plus générale de l’apprentissage avec les pairs, pourtant mise en tension avec l’injonction à l’individualisation des apprentissages. Dans le cadre d’une école inclusive et du respect des « besoins particuliers » des élèves (Woollven, 2021), le professeur est incité à viser un enseignement personnalisé (Katz et al., 2021). Aussi peut-on se demander quel est l’effet de cette injonction, dans la forme collective de classe, sur l’enseignement et l’apprentissage de tous les élèves.

Notre enquête, mêlant observations de classes et entretiens avec des professeurs de maternelle, montre la position difficile de ces derniers, quand les besoins de certains élèves captent l’essentiel de leurs ressources attentionnelles pour faire classe, réduisant leurs marges d’intervention. C’est en particulier l’attention aux désordres scolaires qui prend le pas sur l’attention aux difficultés cognitives ; l’enseignant, accaparé par la gestion des désordres inhérents à l’expression de certains besoins, ne peut alors plus mettre en œuvre d’étayage ou de remédiation. Il tente cependant de s’organiser pour permettre à la fois la prise en compte des besoins particuliers et l’avancement collectif. Deux stratégies peuvent être mobilisées selon le contexte de classe et le rapport au métier de l’enseignant : soit en séparant le traitement du besoin particulier de cet avancement au moyen de dispositifs de séparation, soit en l’intégrant au sein d’une organisation à la fois disciplinaire et accessible.