Cet article analyse l'activité au travail de français travaillant aux Emirats Arabes Unis en 2014. A la frontière entre sociologie du travail, des organisations et des migrations, il vise à comprendre la manière dont des managers migrants articulent les habitudes de travaille issues de leur pays d'origine, les prescriptions du siège mondial de l'entreprise qui les emploie et la façon de faire des affaires dans le pays d'accueil. Nous montrons que ces personnes développent des stratégies individuelles pour gérer la dualité institutionnelle. Ces stratégies varient en fonction de l'utilité pour elles des ressources que leur offre le pays parent, la multinationale qui les emploie et les partenaires d'affaires du pays d'accueil. Loin de l'image traditionnelle de l'expatrié homme de l'organisation dévoué à sa maison mère, ces témoignages montrent plutôt des personnes jouant habilement de la distance et négociant en permanence leurs allégeances à l'employeur lointain et aux partenaires locaux. Ayant pris leurs distances avec les cadres normatifs de la société française et en particulier avec la préférence pour la sécurité d'emploi, l'esprit de hiérarchie et le sentiment d'appartenance à une organisation, ces personnes tendent à se rapprocher du type idéal de l'homme libéral décrit par C.B. Macpherson (1962), un homme émancipé par rapport à la volonté des autres (y compris ses employeurs), propriétaire de sa propre personne et de ses propres facultés, ne devant rien à personne et orienté vers le futur. Toujours en quête de prospérité, ces personnes incarnent l'esprit du capitalisme bien plus que les valeurs et la culture de leur pays d'origine ou de leur pays d'accueil.