En psychologie, la socialisation est souvent étudiée dans une approche considérant l’individu comme acteur et donc comme décideur face aux influences auxquelles il est confronté quotidiennement. Et pour cause, la psychologie actuelle, fortement influencée par l’idéologie néolibérale (Bettache & Chiu, 2019) a fait de l’individualisme ontologique et méthodologique son courant de pensée dominant (Adams et al., 2019). A l’opposé de telles approches, la philosophie de Spinoza affiche une radicalité dans un antihumanisme théorique et un déterminisme absolu proposant une négation totale du libre-arbitre. En effet, pour Spinoza, toute action humaine est déterminée 1) par des causes extérieures, 2) par le désir qui constitue la puissance d’agir de l’Homme, qui est également son essence, l’amenant vers ces causes extérieures, et 3) par les affects attribués à ces causes extérieures. L’individu « incarne » donc la société, et pour l’étude psychologique, il semble nécessaire d’objectiver les structures sociales qu’il expérimente puisque dans cette approche, les faits psychiques sont considérés comme les expressions individuellement localisées de l’ordre social (Lordon, 2013). Marx le disait lui-même, « l’histoire de l’industrie et l’existence objectivée constituée de l’industrie sont le livre ouvert des forces humaines essentielles, la psychologie de l’homme concrètement présente » (Manuscrits de 1844, pp. 94-96). Cette considération holiste de la socialisation pourrait permettre selon nous d’asseoir théoriquement et méthodologiquement une base critique des structures sociales. En effet, si les structures globales sont des lieux de désirs et d’affects et le psychisme du sujet le lieu d’inscription local du social, alors le but de la psychologie dans une telle approche - en plus de poser un regard critique sur la société – pourrait être de penser les agencements les plus adéquats pour le bien commun.