Dans un contexte de surproduction, d’accélération (Rosa, 2013) et d’ingérence de nos déchets textiles, les acteurs de la mode (et surtout ceux de la fast fashion) opèrent des changements de postures ayant souvent comme caractéristique d’intégrer le réemploi de leurs vêtements dans un principe de « circularité ». Porté par le champ politique, notamment le Ministère de l’écologie avec la loi AGEC (2020) et l’éco-organisme Re_Fashion à travers le Bonus Réparation, le réemploi est présenté comme la solution pour réduire cette frénésie destructrice liée au système économique capitaliste et à l’obsession de la croissance. Cette recherche tente de saisir les enjeux de captation que posent de telles représentations, tant dans leurs freins à penser notre rapport à la surconsommation et à la surproduction, que dans le masquage d’une autre forme d’industrialisation « circulaire » mondialisée. Dans cet objectif, nous proposerons une approche au travers des représentations de la consommation, engendrées par la manipulation des signes du réemploi dans les discours et les pratiques des acteurs de ce secteur complexe. Les représentations produites sur le réemploi y sont observées à l’aide d’une méthodologie plurielle. D’abord, une enquête ethno-sémiotique est menée auprès des acteurs historiques du secteur dans les lieux de circulation du vêtement de seconde main (centres de tri, friperies, magasins solidaires, hangars grossistes…). Puis, nous regarderons ces premières représentations en transparence de celles produites par l’industrie du neuf à travers l’analyse de plusieurs discours. D’une part, celui des marques de vêtements les plus consommées en France qui proposent de la seconde main, et d’autre part celui d’un acteur institutionnel majeur : l’éco-organisme Re_Fashion. La mise en lien de ces trois endroits de sonde, producteurs d’un discours sur le réemploi permet de faire ressortir les possibles porosités entre l’industrie de la mode rapide et le secteur de la seconde main : Quelles normes l’emportent dans la guerre pour la vie ou la mort du vêtement ? Sous quel(s) régime(s) sémiotique(s) le vêtement d’occasion circule-t-il ? À travers les gestes de maintenance et de tri effectués à différentes échelles, se dessine en creux le destin tragique de ces vêtements zombies et de toute une industrie vouée à se rediriger.