Cette enquête s’insère dans un projet de recherche en plusieurs phases, dont l’objectif général est de mieux comprendre les usages des identifiants numériques chercheurs (INC), et plus particulièrement d’ORCID, par les membres de la communauté de recherche française. Le premier volet du projet, à partir d’une enquête par questionnaire, a fait apparaître des tendances différenciées dans l’appropriation de ces outils, liées à la discipline d’appartenance ainsi qu’aux positions et rôles occupés par les chercheurs et chercheuses (responsabilités institutionnelles, portage de projet, expériences internationales). Le présent volet avait vocation à saisir les réalités qui se jouent derrière ces tendances statistiques, en s’intéressant aux enjeux « d’identité » et de visibilité numérique liés à ces identifiants, mais aussi aux façons dont ils sont utilisés sur le plan technique, ainsi qu’aux moteurs ou freins à leur adoption. Prenant la forme d’une recherche sociologique exploratoire sur les rapports des chercheurs aux outils de visibilité numérique, ce rapport s’appuie sur une enquête par entretiens approfondis réalisée entre octobre 2023 et avril 2024 auprès de 21 chercheurs et chercheuses aux profils variés. Les entretiens ont été conduits de manière à saisir les usages des INC à l’aune des rapports plus larges aux outils de visibilité numérique, et en vue de pouvoir les mettre en lien avec les socialisations dont ils procèdent et les dispositions qu’ils activent. Les rapports aux INC et à la visibilité sont ainsi réinscrits dans des temporalités et des dynamiques de carrières, des logiques disciplinaires, des cadres institutionnels, des positions professionnelles, des rapports aux technologies, mais aussi des trajectoires. Le rapport s’organise en deux temps : d’abord, nous proposons une typologie des rapports des chercheurs à leur visibilité numérique, à partir des cas observés en entretiens. Puis nous revenons plus précisément sur les manières dont les chercheurs rencontrés utilisent les INC ORCID et IdHAL, allant d’utilisations instrumentales, ponctuelles et discontinues à des usages « forts » et continus traduisant une appropriation des outils. En filigrane, l’enquête montre que les chercheurs sont pris dans des socialisations multiples : ainsi, leurs rapports à la visibilité comme leurs manières de s’approprier les INC ne peuvent pas être connus d’avance ou réduits à un nombre clos de critères de variations. Cependant certains profils apparaissent particulièrement disposés à s’emparer des INC d’une manière conforme aux usages prescrits par les promoteurs de ces outils.