Observer ailleurs : que nous enseigne l'étude d'objets spectaculaires extra-occidentaux ? En ce qui concerne l'Inde, le Bharata-Naṭyam mérite notre attention comme étant l'une des formes spectaculaires les plus représentées sur la scène actuelle. Ce style de théâtre dansé n'en porte pas moins l'héritage d'une histoire. En effet, il puise ses principes dans le Natya Sastra , célèbre traité dramaturgique du début de notre ère, où le théâtre se présente d'emblée comme « un spectacle à voir et à entendre ». Dès le départ, l’œuvre spectaculaire est créée pour le plaisir, mais aussi pour se réunir et, à travers le rite, renouer avec les dieux. L'étude d'extraits de la pièce Dasavatar dans ce style nous permettra d'en montrer la richesse esthétique et la dimension poétique. Or comment analyser un art où le texte, la musique, la danse et le théâtre participent d'une œuvre complète, où les codes jouent un rôle signifiant, mais aussi performatif, le jeu revêtant tout autant d'importance que la narration elle-même ? « L'artiste-chercheur, explique Katia Légeret, doit avoir un accès direct aux processus de transmission orale et, à partir de son savoir-faire et de son savoir-expert, il peut traduire les langages corporels codifiés ». Pour comprendre le théâtre dansé indien dans sa dimension spectaculaire, nous analyserons le texte mais aussi le processus à l’œuvre dans la pièce. C'est à partir d'une transmission orale pratique et esthétique qu'un chercheur, en immersion artistique, peut mettre en regard les différentes facettes de l'art étudié et proposer une méthode d'analyse tenant compte aussi bien du spectacle que des éléments fondamentaux, en creux, qui le constituent. Car le texte poétique circule, mais à travers une mise en scène où le corps, la musique et l'art de l'ornement permettent d'en faire goûter le sens mystérieux et la saveur, le rasa .