Simplement double
Résumé
Analytical table
introduction
Starting with preconceived ideas about the double, we propose an overall approach to its representation in 20th-century literature, based not on a psychological but on a resolutely literary reading.
Part One:
the fantastic double in the nineteenth century
The double in twentieth-century literature is a direct descendant of its Romantic ancestor, and we need to begin by drawing together its characteristics.
Introducing the nocturnal into literature
At the end of the 18th century, nocturnal literature developed in parallel with historical events. E.T.A. Hoffmann was its catalyst. It spread and evolved across the Atlantic.
Characteristics of the Romantic double
The Romantic double story is brief and narratively dense. It traces the character's process of alienation and the subject's porosity to the world.
Most often, it's the devil character who triggers the subject's splitting process and his dual perception of the world: trivial and analogical.
The analogical vision of the world corresponds to what is known in literary theory as the fantastic: a labile co-presence of two worlds to which correspond the bifurcated language of irony and an equally labile enunciation.
This new literature introduces the shadow into the narrative as a protagonist that is both predominant and disruptive. The identity of both subject and text is obscured.
Dostoyevsky's inflexion
With The Double, Dostoyevsky inaugurates a metamorphosis of duplication: the subject in crisis internalizes otherness by denying it. The reader oscillates between two interpretations.
Stevenson or identity in motion
With The Strange Case of Doctor Jekyll and Mister Hyde, Stevenson was the first to build his character's psychology over the course of a text. Only a text in pieces gives access to the truth of the subject. The literary impact of this story is immeasurable (Wilde, Schwob, Babits).
Part two:
The attempt to kill the double
The realistic inflexion given to the fantastic double allows us to distance ourselves by thinking and analyzing it. In a variety of deliberate ways, authors attempt to put an end to the double.
Sigmund Freud, a successful literary critic
In a rationalizing way, Sigmund Freud attempts to dismantle the nocturnal part of the double. He establishes the psychological interpretation of the double and the uncanny.
Vladimir Nabokov in defiance of tradition
Nabokov explicitly takes up the motifs of the Doppelgänger in La Méprise; he dialogues with them in order to wear them down through derision, in order to intertextualize them. The result is a new conception of mimesis.
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Aragon and the killing of Jekyll and Hyde
Aragon gives the literary lineage of the double and its psychological possibility a place that tips the form of the novel towards a discursive, theoretical work without drawn limits.
Part three:
A typology of the double in the 20th century
The tale of doubles is mythical in essence. We propose to distinguish its narrative forms according to four mythological paradigms.
The fusion of Castor and Pollux
The stories that follow the narrative framework of the Dioscuri present a model of the double in which two a priori distinct individuals choose to exclude others from their relationship with the world. Michel Tournier's Les Météores reduces the 2 to 1, symbiosis excluding otherness. Jahnn and Proust pose the same question.
Sosie or deception
The look-alike enables deception, playing on a common appearance for a possibly different essence. Robbe-Grillet's Djinn approaches the question from a playful point of view, that of parody, by imposing through discourse that 2 are 1. Appearance and essence play on their illusory concordance. At the end of the 20th century, the reproduction of similar appearances multiplied.
Tiresias and Hermaphrodite: reconciling opposites
Tiresias and the hermaphrodite, conversely, represent the unique being who splits into two thanks to the ambiguity of his sexual identity. Woolf's Orlando plays with the esoteric tradition of the reconciliation of opposites. It is the question of the possibility of narration that is raised.
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Narcissus or the diffraction of the subject
Narcissus diffracts himself by giving autonomy to his reflection. Dezső Kosztolányi's Kornél Esti shows that the status of a plausible narrator of fiction is turned upside down by the writer's reflection.
Part four:
Poetics of the double in the 20th century
It remains to characterize the writing of the double, since narration engenders or requires a form of writing.
The name of the double
The name of the double character is at the heart of the referential knot. In the narrative of doubles, the relationship between signifier and signified is prevented by a multiplicity of interfering doubles. Name, person and character become dislocated, giving rise to a certain form: the narrative-echo.
Modes of narrative construction of the double
The narrative construction is necessarily renewed by a “Siamese” internal focalization (1) that ousts the narrator (2) and, because of the double's internalization (3), favors a psychological and theoretical discourse (4). Irony, the language of the double (5), confuses the narrative genre (6). The novel sees the emergence of a new form of character: the incognito.
Conclusion
The double is, par excellence, the form of thought of modern identity. It is an omnipresent and obsessive figure in the 20th century. It is built on a void.
Table analytique
introduction
Où, partant des idées reçues sur le double, on proposera une approche d’ensemble de sa représentation dans la littérature du xxe siècle, approche fondée sur une lecture non pas psychologique mais résolument littéraire.
Première partie :
le double fantastique au xixe siècle
Le double au xxe siècle découle directement de son ancêtre romantique ; il convient de commencer par rassembler ses caractéristiques.
L’introduction du nocturne dans la littérature
Une littérature nocturne se développe à la fin du xviiie siècle parallèlement aux événements historiques. E.T.A. Hoffmann en est le catalyseur. Elle se propage et évolue Outre-Atlantique.
Caractéristiques du double romantique
Le récit de double romantique est bref et narrativement dense. Il trace le processus d’aliénation du personnage et la porosité du sujet au monde.
C’est le plus souvent le personnage du diable qui enclenche le processus de dédoublement du sujet et sa double perception du monde : triviale et analogique.
La vision analogique du monde correspond à ce qu’on appelle en théorie littéraire le fantastique : une coprésence labile de deux mondes à laquelle correspondent le langage bifide de l’ironie et une énonciation elle aussi labile.
Cette nouvelle littérature introduit l’ombre dans la narration comme protagoniste à la fois prédominant et perturbateur. L’identité du sujet et celle du texte s’obscurcissent.
L’inflexion de Dostoïevski
Dostoïevski inaugure avec Le Double une métamorphose de la duplication : le sujet en crise intériorise l’altérité en la reniant. Le lecteur oscille entre deux interprétations.
Stevenson ou l’identité en mouvement
Stevenson est le premier avec Le Cas étrange du Docteur Jekyll et Mister Hyde à construire la psychologie de son personnage au fil du texte. Seul un texte en morceaux permet d’accéder à une vérité du sujet. La répercussion littéraire de ce récit est incommensurable (Wilde, Schwob, Babits).
Deuxième partie :
La tentative de mise à mort du double
L’inflexion réaliste donnée au double fantastique permet de prendre ses distances en le pensant et en l’analysant. De façons délibérées mais diverses, des auteurs tentent ainsi de mettre fin au double.
Sigmund Freud, un critique littéraire à succès
D’une façon rationalisante, Sigmund Freud tente un démantèlement de la part nocturne du double. Il assied l’interprétation psychologique du double et de l’inquiétante étrangeté.
Vladimir Nabokov au mépris de la tradition
Nabokov reprend explicitement les motifs du Doppelgänger dans La Méprise ; il dialogue avec eux afin de les user par le biais de la dérision, afin de les intertex-tuer. Il en tire une nouvelle conception de la mimésis.
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Aragon et la mise à mort de Jekyll et Hyde
Aragon accorde à la lignée littéraire du double et à sa possibilité psychologique une place qui fait basculer la forme du roman vers une œuvre discursive, théorique et sans limites tracées.
Troisième partie :
Pour une typologie du double au xxe siècle
Le récit de doubles est d’essence mythique. On proposera donc de distinguer ses formes narratives selon quatre paradigmes mythologiques.
La fusion de Castor et Pollux
Les récits qui suivent la trame narrative des Dioscures présentent un modèle de double où deux personnes a priori distinctes choisissent d’exclure autrui de leur rapport au monde. Les Météores de Michel Tournier réduit le 2 à 1, la symbiose excluant l’altérité. La question est reposée par Jahnn et Proust.
Sosie ou la supercherie
Le Sosie permet des supercheries en jouant de l’apparence commune pour une essence peut-être différente. Djinn de Robbe-Grillet aborde la question depuis un point de vue ludique, celui de la parodie, en imposant par le discours que 2 soient 1. Apparence et essence jouent de leur concordance illusoire. À la fin du xxe siècle, on multiplie la reproduction des apparences similaires.
Tirésias et Hermaphrodite, la conciliation des contraires
Tirésias et l’hermaphrodite, inversement, figurent l’être unique qui se dédouble grâce à l’ambiguïté de son identité sexuelle. Orlando de Woolf s’amuse avec la tradition ésotérique de la conciliation des contraires. C’est la question de la possibilité de la narration qui est posée.
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Narcisse ou la diffraction du sujet
Narcisse se diffracte en donnant une autonomie à son reflet. Kornél Esti de Dezső Kosztolányi montre que le statut d’un narrateur vraisemblable de la fiction est bouleversé par le reflet de l’écrivain.
Quatrième partie :
Poétique du double au xxe siècle
Il reste à caractériser l’écriture du double car la narration engendre ou nécessite une forme d’écriture.
Le nom du double
Le nom du personnage double est au centre du nœud référentiel. Dans le récit de doubles, le rapport entre signifiant et signifié est empêché par une multiplicité de doubles qui interfèrent. Nom, personne et personnage se disloquent, engendrant une certaine forme : le récit-écho.
Les modes de construction narrative du double
Mais le récit de doubles tente une nouvelle forme de désignation, un nouveau rapport au langage : la construction narrative est nécessairement renouvelée par une focalisation interne « siamoise » (1) qui évince le narrateur (2) et qui, à cause d’une intériorisation du double (3), privilégie un discours psychologique et théorique (4). L’ironie, la langue du double (5) produit une confusion du genre narratif (6). Le roman voit l’apparition d’une nouvelle forme de personnage : le personnage incognito.
Conclusion
Le double est, par excellence, la forme de pensée de l’identité moderne. Il est une figure omniprésente et obsédante au XXe siècle. Il se construit sur un vide.