Des années 1610 aux années 1640, les grands marchands catholiques de Livourne financent l’agrandissement de l’église de la Madonna, la construction de chapelles, d’autels, de pupitres ou encore d’orgues. Ils laissent ainsi une trace durable dans la ville, parfois encore visible, apposant les armes de leurs familles dans l’église, sur les lunettes du cloître, ou encore sur les pierres tombales de leurs sépultures . L’église de la Madonna offre ainsi de précieux renseignements sur la place des marchands chrétiens de Livourne, qu’ils soient « toscans » et « étrangers », dans la première moitié du XVIIe siècle. Celle-ci permet de penser les dimensions religieuses, politiques et diplomatiques de leur évergétisme et de leurs investissements dévotionnels . Ce chapitre propose de comparer non seulement quatre chapelles, mais également quatre formes différentes d’institutions communautaires dans le port toscan (français, néerlandais, portugais et corse). Derrière l’apparente homogénéité architecturale des autels latéraux, l’on découvre une pluralité d’histoires et de statuts qui témoignent des manières variées de « faire communauté », c’est-à-dire de s’assembler, de s’instituer en corps, d’entretenir des liens sociaux dans le port toscan . Ces lieux permettent également d’analyser la fonction des consuls – et en miroir celle de leur absence – dans l’organisation des dévotions et la gestion des chapelles « nationales ». Le chapitre revient tout d’abord sur l’édification des chapelles dans l’église et l’institution des « nations » dans le port franc de Livourne. Il est ensuite question des moments d’effervescence collective qui se jouent autour des chapelles, dans l’église, lors des fêtes, des messes et des célébrations « nationales » : comment célébrer la « nation » dans un port neutre et cosmopolite ? de quelles rivalités entre nations l’espace ecclésial est-il le théâtre ? L'entretien collectif des autels met à l’épreuve l’appartenance au corps de la nation, c’est-à-dire sa définition, ses règles, ses statuts et son économie.