En 1662 le roi de France achète Dunkerque et son territoire pour la somme de 5 millions de livres aux Anglais qui administrent la ville depuis la “Folle Journée” du 25 juin 1658. Dunkerque est alors défendue par son vieux rempart médiéval renforcé par une enceinte bastionnée érigée en 1640 sous l’administration espagnole. La citadelle protégeant la partie occidentale du port et son bassin de chasse est construite par les Anglais en lieu et place du fort Léon. Pendant quelques années (1662-1667), Dunkerque est une enclave française en territoire soumis au roi d’Espagne. Sa position est particulière : ce port de course très actif est également au débouché de plusieurs voies d’eau drainant l’intérieur des terres basses de Flandre et d’Artois. Colbert, alors chargé du renforcement des places fortes frontalières, missionne l’ingénieur Chastillon et le commissaire de Marine Nacquart pour la fortification de Dunkerque. La prise de la Flandre wallonne et de la châtellenie de Bergues par les troupes françaises en 1667, la conquête des châtellenies d’Ypres, Cassel, Bailleul dans la décennie suivante augmentent d’autant le territoire du royaume de France. Dunkerque n’est plus une enclave, mais conserve son statut de place-forte et de verrou de frontière, et à ce titre occupe une place stratégique dans la première ligne du Pré Carré conçu par Vauban dès 1673. De fait, les hommes de Louvois succèdent à ceux de Colbert dans la mise en œuvre de la défense de Dunkerque. Les dépenses de fortification, tant de terre que de mer, comptent parmi les plus élevées de cette partie du royaume. Citadelle, enceinte bastionnée incluant un vaste espace en basse ville pour les marins et négociants, longues jetées du port et arsenal de marine, inondations défensives, forts maritimes ou terrestres sont projetés, conçus, modifiés ou remaniés par Vauban et les ingénieurs qui travaillent sous son contrôle dès sa prise en charge des fortifications de Dunkerque (1668). Arsenal de Marine et défenses terrestres ne seront jamais complètement achevés mais auront permis de “mettre hors d’insulte” le port le plus septentrional du royaume, dont les corsaires harcèlent, en fonction des circonstances, les flottes militaires et marchandes anglaises, hollandaises ou espagnoles. Le bastion du Château flanque l’angle nord de l’enceinte urbaine. Il contrôle l’accès au port, en complément de la citadelle, et commande la plage voisine, dont les dunes ont été aplanies : c’est de ce côté que Dunkerque à plusieurs fois été investie. Il doit son nom au Petit Château à l’emplacement duquel il est construit. D'origine médiévale, cette fortification seigneuriale renforcée par un cavalier de tir puis un ouvrage à corne (dit de la Croix-Rouge) s’était montrée impuissante à contenir les assauts des troupes assiégeant Dunkerque. Des tronçons du soubassement du bastion du Château ont été dégagées au diagnostic en 2019 et les données ont été complétées lors de la fouille menée sous la direction de Th. Marcy en 2021. Les maçonneries, tant fondation qu’élévation, de l’angle flanqué du bastion, du batardeau et du cornichon étaient conservés sur plus d’un mètre de hauteur. La nature particulière du site, transformé par le remuement des terres, l’usage systématique du bois en fondations ont nécessité une approche pluridisciplinaire pour sa bonne compréhension : stratigraphie, xylologie et dendrochronologie , approche documentaire, approche pédologique , étude de bâti … Ces éléments fortifiés alimentent les connaissances que nous avons de l’architecture militaire de la ville de Dunkerque et constituent une nouvelle preuve de l’intérêt d’appliquer des grilles d’analyses d’archéologie du bâti aux enceintes des XVIIe-XVIIIe siècles. La documentation de ces ouvrages porte tant sur le mode constructif que l’emploi des matériaux (tant briques que pierre à bâtir ou bois) ou les solutions techniques privilégiées sur cette partie du littoral soumise aux flux marins et aux battements de nappes. La confrontation des données de terrain au dépouillement d’une partie des sources documentaires nous permet de constater que le suivi de ces chantiers d’envergure est rigoureux et les recommandations des ingénieurs militaires sont respectées sur ce segment de fortifications.