Au cœur d’une triple-crise économico-sociale, politique, et morale, les Etats-Unis, l’Espagne et la France voient apparaître à la fin du XIXème siècle des mouvements de masses – People’s Party, Boulangisme, Blasquisme - qui se fondent sur l’usage du suffrage universel et des possibilités offertes par les lois libérales. Qualifiés de populistes par l’historiographie, ils développent leur rhétorique et leur représentation du politique autour d’un « peuple » auquel il faudrait rendre sa souveraineté. Terme aux contours flous, le « peuple » invoqué par ces mouvements trouve une définition fondée par les enjeux sociaux et identitaires marquant cette période de transition qui voit l’avènement d’un nationalisme réactionnaire et du socialisme. Loin de se limiter au choix entre plebs/ethnos/demos, ils mettent en place une articulation entre questions sociale et nationale investie par une révision du républicanisme. Au croisement entre une rhétorique de « réconciliation » et de légitimation au moment de l’approfondissement de l’avènement des masses comme un acteur politique, l’appel au peuple nous invite donc à « réfléchir sur la [mise en] relation entre nation et contestation sociale » en situation de crise. D’un point de vue épistémologique, les travaux d’auteurs argentins (entre autres, Ernesto Laclau, Gino Germani) offrent des outils plus utiles que les sciences politiques qui réfléchissent actuellement au « populisme » en Europe. Ainsi, alors que cette démarche comparative invite à interroger le caractère « atypique » de ces mouvements fin de siècle, elle pourrait, d’un point de vue diachronique, ouvrir une réflexion sur l’atypie des situations intervenant au XXème siècle en Amérique latine.