La construction d’un immeuble reposant sur deux niveaux de sous-sol à Lille, 27-35 rue de Tournai en rive sud de la gare Lille Flandres a entraîné la réalisation d’une fouille d’avril à septembre 2015, sur une surface de près de 1500 m². Sept périodes successives ont été identifiées, qui couvrent une large temporalité allant de la Protohistoire au XIXe siècle. Le premier temps est long (période 1) et subdivisé en deux phases principales. La première (pér. 1/phase 1a) consiste en quelques fossés parcellaires, dont l’un est daté de la Protohistoire (Hallstatt final/La Tène ancienne). Il n’y a pas de vestiges romains avérés sur le site, seuls quelques tessons résiduels rappellent que le secteur, vraisemblablement en limite entre deux cités, est occupé à la période antique, en particulier, comme le montre les analyses palynologiques, par des cultures céréalières. Après un long hiatus qu’il est difficile de caractériser, l’occupation reprend à la période carolingienne (pér. 1/phase 1b). Fosses et silos fonctionnent avec un habitat qui semble se développer au sud de l’emprise fouillée (IXe-XIe s.). Ces vestiges carolingiens sont les premiers mis au jour dans cette partie de Lille, qui pour l’instant n’était pas renseignée ; ils précèdent de peu ou sont concomitants des premières attestations écrites de Lille (1054-1066), dont le développement est encouragé par les premiers comtes de Flandre. Cette partie de la pairie du Breucq est intégrée à la ville forte dès le XIIIe siècle, proche des portes des Reignaux et de Fives (pér. 2) ; le rempart serait localisé à une trentaine de mètres plus au nord. Avec l’urbanisation et la croissance urbaine, l’occupation se densifie progressivement, notamment à partir de la seconde moitié du siècle. Dans un premier temps, les vestiges consistent en des structures en creux dont de nombreux dépotoirs domestiques, plus spécifiquement en partie occidentale, c’est-à-dire au plus près de l’église paroissiale Saint-Maurice. Au début du XIVe siècle, au moins deux constructions sur solins s’aboutent au front de rue, sans que les bâtiments ne gagnent les cœurs d’îlots et les marges du rempart. L’une de ces constructions a abrité l’atelier d’un tabletier, dont les déchets de fabrication d’épingles en os ont été déversés dans une fosse à proximité. Les occupants du quartier seraient relativement modestes, comme le suggèrent les études de la céramique et de la faune. Les Dominicaines de Lille, ou Dames de l’Abbiette, s’y installent à partir de 1343/1361, après leur départ du faubourg Saint-Pierre (pér. 3 à 5). La construction de l’ensemble conventuel implique une modification de la trame urbaine dans tout le secteur. Un premier cloître est partiellement conservé, avant que l’on ne reconstruise totalement l’édifice au tout début du XVe siècle. Du couvent, on retrouve les deux tiers de l’église, ainsi que l’aile méridionale de la galerie du cloître et les jardins attenants. L’ensemble, à l’exception du sanctuaire, procède d’une même campagne de construction. Au cours du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, des modifications substantielles sont apportées aux abords et à l’intérieur l’église sans toutefois en modifier radicalement le plan d’ensemble : chapelle votive dédiée à N.-D. de Lorette, « parvis », nouvelle aile du cloître à l’ordonnancement classique (1758-1759). Deux cent deux sépultures, principalement localisées dans la galerie méridionale du cloître et dans l’église, ont été fouillées. Il s’agit principalement d’inhumations en cercueil, pour une population essentiellement féminine. Les religieuses quittent l’Abbiette en 1792 et le couvent est vendu en 1796. L’emprise fouillée est scindée en deux propriétés : l’hôtel particulier de l’industriel Barrois-Virnot à l’est et une industrie à l’ouest, dont les fondations emploient principalement des matériaux provenant du couvent (pér. 6). La dernière période d’occupation correspond aux aménagements contemporains appartenant à la SNCF et en relation avec la gare voisine.