L’opération de diagnostic de l’abbaye d’Hautmont est motivée par le projet de restauration de ses bâtiments conservés et la transformation de leurs abords. L’abbaye bénédictine d’Hautmont, connue historiquement par les activités de son scriptorium, a souffert de la perte de son fond d’archives et de démolitions et modifications répétées depuis la Révolution. L’approche archéologique s’avère donc indispensable pour éclairer la création et l’évolution du monastère. Le diagnostic s’est déroulé dans des conditions hivernales, du 17 janvier au 19 février 2019, sur un terrain de 5 120 m² divisé en trois secteurs. Ces zones ont permis d’explorer les berges de la Sambre, la cour d’honneur et l’emplacement de l’ancien cloître. Cinq tranchées ont été ouvertes, complétées par six sondages profonds, et ont permis de mettre en évidence des vestiges archéologiques en relation avec l’abbaye (cloître, cimetière, cour, réseau hydraulique), ainsi que la stratigraphie géologique sur laquelle ils reposent. La stratigraphie archéologique observée dans le cadre du diagnostic est fragmentée et le corpus mobilier relativement faible ne permet pas d’établir un phasage précis pour l’ensemble du site. Néanmoins, quelques éléments se dégagent de notre analyse concernant la fondation et l’évolution architecturale du site. Les sondages profonds réalisés le long de la Sambre et dans la cour ont permis de mettre au jour la configuration originelle du terrain. Sous la cour d’honneur, le relief naturel a été entaillé pour aménager une descente plus douce vers la rivière à une époque indéterminée. Dans cet espace ainsi créé au plus près de la rivière, des bâtiments ont été installés au moins depuis la période moderne, fondés directement sur la roche paléozoïque affleurante. Jusqu’au XVIIe siècle, la Sambre baigne le bord nord de l’abbaye, les bâtiments étant élevés à l’aplomb du cours d’eau. Cette disposition des lieux est à mettre en regard avec l’axe de franchissement de la Sambre situé à l’angle nord-ouest des bâtiments de l’abbaye et l’existence de droits de pontenage au bénéfice de l’abbaye durant l’Ancien régime, qui sont autant d’indices des liens qu’entretenait l’abbaye avec la Sambre. L’historiographie date la fondation du monastère au cours du VIIe siècle mais le diagnostic n’a pas permis de mettre au jour de structures qui se rattacheraient sans ambiguïté à cette période. Sous la cour d’honneur actuelle subsistent toutefois des lambeaux d’une cour pavée de petits blocs de pierre dont les recharges ont fourni de rares tessons du haut Moyen Âge. Mal conservée, elle repose directement sur le substrat et la stratigraphie postérieure est remaniée par les aménagements d’époque moderne. Quelques tessons découverts dans les niveaux de jardin ou en position résiduelle dans le cloître relèvent également de cette période. Si ces éléments ne permettent pas de cerner l’organisation du site, ils attestent néanmoins d’une occupation datant du haut Moyen Âge sur le secteur. Dans les tranchées réalisées sur l’emplacement de l’ancien cloître, les vestiges sont de natures variées et leur état de conservation est variable : la stratigraphie est arasée sur une partie du secteur. Démontée à la Révolution puis nivelée par des travaux de construction et de voirie, il ne reste de l’église abbatiale qu’une fondation conservée sur quelques assises, entourée de trois sépultures (US 1120). Cette maçonnerie faite de petits moellons taillés en pointe liés au mortier rosé semble être la construction la plus ancienne mise au jour sur le secteur : elle sert d’appui à deux autres fondations appartenant au cloître bas médiéval ou moderne. Il est raisonnable de penser que cet édifice s’est maintenu jusqu’à sa démolition à la Révolution. Les rénovations apportées par Dom Hanot et ses successeurs au XVIe siècle ne semblent pas avoir modifié la structure du bâtiment. La datation de construction de l’abbatiale n’est pas documentée par l’archéologie mais il est possible qu’elle soit contemporaine de la rénovation monastique amorcée par l’évêque Gérard Ier au XIe siècle. Dans l’espace claustral, au moins trois campagnes de construction ont été reconnues ainsi que le cimetière monacal. Les reconstructions successives ont largement réutilisé les matériaux existants sur place ce qui limite la compréhension des plans successifs. Les premiers niveaux reconnus sont des niveaux de jardin ayant livré trop peu de mobilier pour établir une datation : seul un tesson des IXe-Xe siècle a été découvert. La maçonnerie du mur 1120, attribuée à l’église abbatiale, présente un module de pierre de petite dimension et un mortier blanc rosé reconnaissable. Des éléments similaires se retrouvent en remploi dans la fondation 1025-1066 qui correspond à une limite du préau monastique. Nous retrouvons également de nombreux fragments de mortier dans des niveaux de remblai et de chantier recoupant les niveaux de jardin. Ces indices laissent penser qu’un premier ensemble de bâtiments contemporains de l’abbatiale a été récupéré totalement pour une première reconstruction. De cette première reconstruction, peu d’éléments nous sont parvenus : seuls des lambeaux de murs et de préparation de sols ainsi que des fragments d’enduits peints en remblais sont conservés. La largeur de la tranchée de diagnostic ne permet pas d’en tirer un plan satisfaisant. Il est également probable que certaines tombes aient fonctionné avec cet état du cloître. Une vaste campagne de restauration a probablement eu lieu à l’époque moderne et les espaces, comme celui du préau par exemple, ont été modifiés. Le cimetière est réduit par la construction d’une cave et des remblais recouvrent les préparations de sols et les tranchées de récupération. L’étude sommaire du bâti réalisée au cours du diagnostic révèle que les bâtiments conservés de l’abbaye appartiennent en grande partie à cette campagne de construction. Le cimetière du préau s’est probablement maintenu jusqu’à la Révolution. Son installation est au moins contemporaine de l’installation du mur 1025-1066 qui ne recoupe aucune tombe. Trois tombes ont été testées, mettant au jour les ossements d’hommes âgés de 30 ans à plus de 50 ans, présentant des malocclusions dentaires, les traces d’une activité physique soutenue, et des pathologies principalement d’ordre dégénératif et paléostomatologique. La découverte d’ossements d’immatures dans le comblement des tombes soulève toutefois des interrogations sur le recrutement et le fonctionnement de ce cimetière. Toutefois, à l’issue de ce diagnostic, de nombreuses questions concernant l’évolution de l’architecture interne de l’abbaye restent en suspens. De même, et compte tenu du type d’espace mis au jour, la vie quotidienne des moines n’a pu être appréhendée : l’accès à des zones de rejets permettrait de mieux documenter leurs activités. L’étude anthropologique nous renseigne malgré tout sur leur état sanitaire. La période se rattachant à la fondation n’est représentée que par un mobilier en position secondaire. L’histoire de la fondation de l’abbaye reste donc ouverte ; le lien avec son bourg reste également à découvrir ; les informations archéologiques sur ce sujet sont en effet encore très lacunaires et mériteraient d’être approfondies.