Dans le livre IV de sa Géographie, Strabon affirme que la collecte des têtes-trophées fut interdite par les Romains après la conquête des Gaules, en relation avec l’horreur que suscitaient les pratiques sacrificielles des « Celtes ». Pourtant, des scènes de décollation en contexte guerrier apparaissent en nombre significatif sur les reliefs triomphaux de l’époque antonine et sur les monuments funéraires des cavaliers auxiliaires. Comment expliquer la résurgence de cette coutume tombée en désuétude dans l’armée romaine dès IIe siècle a.C. ? Nous tentons ici de démontrer que ce phénomène est principalement lié à l’incorporation des auxiliaires d’Europe occidentale dans l’armée régulière du Principat. De nombreux témoignages indiquent que les chasseurs de têtes impériaux étaient majoritairement issus de ces unités et pratiquaient leur « art » suivant des modalités étrangères aux pratiques militaires romaines. Plutôt que de lutter activement contre ces comportements transgressifs, les autorités impériales choisirent plutôt de les réguler et de les resémantiser, en leur assignant un contenu symbolique conforme à l’idéologie impériale.