Comment étudier la stabilité des espaces interstitiels ? Une analyse à partir du cas de la visibilité des intellectuels français. Cet article rend compte d’une enquête menée sur les circuits par lesquels les intellectuels accèdent à la notoriété publique depuis les années 1970 (presse de qualité, revues intellectuelles, cercles de réflexion, lieux de conférences, émissions culturelles de radio et de télévision, maisons d’édition, etc.). Au prisme de la théorie des champs, nous avons ainsi été conduits à explorer un espace, celui de la visibilité des idées, situé à la croisée de plusieurs champs institutionnellement établis (académique, intellectuel, médiatique, politique et économique). Si les travaux consacrés à ce type d’espace que l’on peut qualifier d’interstitiel se sont multipliés depuis les années 2000, la démonstration a surtout porté sur leur hétéronomie en les comparant aux champs autonomes. De sorte qu’une telle approche tend à perdre de vue le fait qu’ils ne pourraient voir le jour ni se pérenniser en l’absence de stabilité. À partir du cas de l’espace de la visibilité des idées, cet article entend ici montrer qu’il est possible d’appréhender la stabilité de ces espaces labiles en privilégiant une entrée ethnographique propice à l’articulation des niveaux micro/méso/macro et à la mixité des méthodes. Ce faisant, nous avançons l’idée que les espaces interstitiels peuvent être en définitive analysés en termes de frontières et de capitaux, autrement dit, comme des champs.