Lors d’une discussion avec Ernesto Oroza en septembre 2020, nous avons convenu qu’il serait utile, pour les années à venir, de nous doter d’un dispositif permettant de plonger dans les écrits de Sergeï Tretiakov portant sur la notion de factographie développée par l’auteur. En amorce à ce travail, je lui ai proposé un format, à mi-chemin entre la fiche de lecture, le sommaire et l’index dessiné. Il s’agit d’une feuille de papier format A4, remplie au fur et à mesure de la lecture des ouvrages documentés, mettant en exergue certaines phrases, en paraphrasant d’autres. La somme finale ne synthétise pas le texte, mais tente plutôt d’accompagner un cheminement à travers des idées, d’accompagner une lecture. Il s’agit non pas d’une traduction, mais d’une tentative de transduction arbitraire : le geste de transposition du contenu d’un corps dans un autre corps. Ainsi, il n’y a pas vraiment d’ordre, de chronologie de lecture, ce projet s’inspirant modestement d’une description du rapport à la lecture de Jean-Luc Godard par Luc Moullet : « il lit rarement un livre en entier dans la vie, il prend quelques extraits, les meilleurs en principe, mais des fois, c’est un peu au hasard. Il picore dans les livres comme une poule dans les jardins(1) ». Avec pour point de départ des textes portant sur la notion de factographie traduits par Henri Deluy et publiés par François Maspéro(2), mes lectures m’ont conduit à un texte de Maria Gough(3) situant historiquement le travail de Tretiakov, mais aussi à la notion de biographie de l’objet, qui semble avoir été retravaillée par Arjun Appadurai et Igor Kopytoff(4), plus tard, au prisme de l’anthropologie culturelle. Si ces dessins réalisés spontanément en lisant sont annotés de manière que l’on puisse retrouver le propos mentionné dans chaque édition, ils sont d’abord faits pour être lus avec une attention flottante et vagabonde.