Questionnement scientifique A partir des années 1990 notamment, des préoccupations environnementales ont été intégrées à la conception et la gestion du réseau autoroutier français. Aujourd’hui, le système autoroutier et le régime de l’automobilité sont confrontés à des adaptations plus radicales liées aux dépassements des limites planétaires (comme le changement climatique notamment du fait des émissions de GES) qui réinterrogent sociétés et économies (Galaz et al., 2012). Acteurs publics et privés imaginent l’infrastructure autoroutière comme potentiel support d’une résilience énergétique solaire afin de répondre à des objectifs de décarbonation de l’énergie. De nouvelles stratégies et politiques publiques s’articulent autour d’un passage d’une infrastructure héritée de l’automobilité vers une infrastructure énergétiquement ou climatiquement résiliente (Dudley et al., 2020). Depuis le champ de l’étude des sciences et des techniques, infrastructure autoroutière et territoire évoluent en tant qu’ensemble cohérent en fonction d’orientations structurantes forgées par l’interaction de connaissances, de normes ou d’imaginaires collectifs. Une approche socio-technique par la transition (Bulkeley et al., 2014) éclaire les relations d’interdépendances entre territoire et autoroute, plus précisément le développement de politiques publiques autour de l’organisation des territoires de l’autoroute et de l’automobilité. Comment les politiques publiques dites « énergétiques et climatiques » se cristallisent-elles au sein du système autoroutier et le modifient-elles ? Nous proposons d’étudier le cas de la rocade bordelaise, objet de discussions (notamment dans la sphère politique locale et les médias) pour le déploiement d’une énergie solaire. L’emprise de la chaussée mais aussi les abords et « délaissés » sont de potentielles ressources pour installer des panneaux solaires. Le projet de rocade solaire réinterroge des leviers et instruments de l’action publique locale sur l’infrastructure et notamment sa gouvernance à la fois locale et nationale. Il produit un nouvel imaginaire véhiculé par les médias : d’une voie de la congestion à une autre voie « vectrice d’énergie renouvelable ». Par ailleurs, les abords et « délaissés » autoroutiers constituent de potentielles ressources pour d’autres politiques publiques de l’agenda des transitions : une nécessaire préservation du « sol » vivant rendant des services écosystémiques (puits carbones, effets d’ilots de fraicheur) mais aussi pour répondre à une raréfaction du foncier constructible dans une métropole qui semble encore en expansion. Le développement d’une solution technique énergétique sur et autour de la rocade bordelaise interroge alors différentes dimensions d’un système confronté au changement climatique mais aussi à d’autres limites planétaires (notamment l’artificialisation des sols et la perte de biodiversité). Méthodologie La communication proposée est issue d’une recherche doctorale menée en CIFRE au sein de la collectivité de Bordeaux Métropole. Le travail de recherche interroge les évolutions des infrastructures autoroutières métropolitaines bordelaises au prisme des transformations territoriales, des enjeux environnementaux et climatiques. L’exploration proposée dans cette communication s’appuie sur le terrain principal de la recherche. Sont mobilisés principalement une étude de documents cadres des politiques publiques ainsi qu’une analyse de la presse locale, mis en perspective. Nouveauté, originalité La recherche ne traite pas de la contribution des transports-mobilités-infrastructures au changement climatique ou aux dépassements d’autres limites planétaires ni de leur vulnérabilité face à ces dépassements. Elle ne traite pas non plus d’avancées scientifiques ou technologiques sur des points spécifiques (biodiversité dans des bassins d’assainissement ou dépendances vertes, populations d’insectes sur des talus) (Bakalowicz et al., 2004). L’objet d’étude de cette recherche est le système autoroute-territoire, des points de vue matériels et immatériels (transformation physique de l’infrastructure, représentations,…). L’originalité de la recherche se situe dans la mobilisation d’une approche socio-technique et de transition pour appréhender l’infrastructure autoroutière comme objet de cristallisation de politiques publiques locales. Cette posture nous mène à appréhender, par l’introduction d’une nouvelle politique publique de transition énergétique, les relations entre différentes actions publiques de transition(s) et d’autres dimensions du système autoroutier (comme la structure de gouvernance ou l’imaginaire collectif de la rocade).