La « forme des villes » : quelle place pour la nature abiotique dans les projets urbains ? Études dans les villes européennes et nord-américaines,
Résumé
« Pour les paysagistes, l’usage du mot ‘géographie’ renvoie à l’étude de la surface de la terre, à la dynamique historique des formes naturelles et culturelles composant cette surface. Les sols, les modelés géographiques, les formes planimétriques sont étudiés dans leur interaction avec les projets de sociétés qui les ont produits et/ou modifiés » (Chomarat-Ruiz, 2010). Ainsi, quelles que soient leurs formes, les reliefs/modelés perçus en tant que motif participent à l’artialisation des paysages et à leur représentation. Dans certains cas, ils constituent même des « anté-motifs », soit des reliefs-mémoires dont la présence physique n’est plus visible mais dont certaines traces subsistent sur le terrain (les cours d’eau asséchés des villes), dans les mémoires locales (les sommets décapités des Appalaches) ou encore, dans la toponymie (les oronymes). Dans la construction du projet de paysage, reliefs visibles, mémoriels ou représentés tiennent une place centrale (Davodeau, 2008). En milieu urbain, cette nature abiotique confère à la ville la forme initiale à laquelle les premières sociétés ont dû s’adapter. Rectifiés, terrassés, aplanis, contournés, les reliefs urbains des villes occidentales sont aujourd’hui les supports de nouvelles perceptions d’une ville « naturelle », verte et minérale : les reliefs originaux, parfois disparus, sont redessinés (rémanence des vallées urbaines asséchées dans les projets de renouveau des centres villes), les monts urbains offrent des belvédères recherchés (Montmartre à Paris), souvent drapés d’une biodiversité reconnue (mont Royal à Montréal) et marquent, par la complexité des modalités d’aménagement, l’identité urbaine (la « grille sur la colline » de San Francisco ; Lipsky, 1999). Enfin, les reliefs artificiels – soit d’origine anthropique – industriels (terrils et carrières) ou d’agrément (parcs et jardins) sont aussi vecteurs des nouvelles approches associées à la diversité biologique et à la visibilité d’affleurements minéraux, propre à la création d’espace paysagés (les ardoisière de Trélazé, du paysage productif industriel au paysage écologique et d’agrément). Ainsi, à la croisée entre une urbanité poussée à l’extrême et une « naturalité » propre à une société (Central Park à New York), les reliefs urbains traduisent des dualités (nature/culture ; visible/mémoriel ; réel/imaginaire ; vécu/représenté ; permanence/mobilité) qui leur confèrent une dimension encore méconnue et dont la teneur se révèle palpable par une approche paysagère et géo-historique de cette nature urbaine abiotique.