“Spirit, are you there?” : Rituals of contact with the Invisible, from ancient Necromanteion to current ghost hunts
“Esprit, es-tu là ?” : Rituels de contact avec l’Invisible, de l’antique Nécromantéïon aux actuelles chasses aux fantômes
Résumé
Etymology teaches us that the terms “rite” and “ritual” refer to the idea of a “prescribed order” (Picard, 2016). A set of gestures, words and objects whose institution and meaning depend on an authority (Hardy, 2011, p. 63), the rite embodies a true structuring of the individual and the collective “facing the episodic and random” (Thomas, 1985, p. 7). This communication aims to study different mediations aimed at maintaining links with the Invisible according to the perspective developed by Louis-Vincent Thomas. The rite is effectively made up of a stage space, a temporal structure, actors, a symbolic organization and efficiency (ibid., p. 13). This is how we are interested in these gestures, these words, these objects which allow the living to maintain links with the dead. Offering a study of the Necromanteion of Acheron, in Greece (Dakaris, 1958; Caskey & Dakaris, 1962; St. Fleur, 2020), we explore the necessity for Hellenists to discover and imbibe divine laws from necromancy rituals (Ogden, 2004; Larson et al., 2007, Kotjabopoulou, 2018). These traditional necromantic rites will, over the centuries, give way to a modernization of uses that we describe here as true occult machinery. From then on, hearing voices from beyond the grave became a socially shared custom in a context of the development of spiritualism (Kardec, 1857). This includes several forms of mediation between the living and the dead where the creativity of spiritualists nonetheless remains influenced by the scientific advances of the time (Gasparin, 1854; Thury, 1855; Doyle, 1926; Baudouin & Evrard , 2014). These attempts to contact the Invisible must be contextualized on a historical level: the society of the time is “summoned to remember its dead” (Sauget, 2012, p. 7) and the ghosts, inconsolable, haunt the living until between the wars and even the end of the Second World War (Cuchet, 2012, pp. 37-48). We put forward the hypothesis of a desire, “collectively intimate” to obtain a connection, answers, from the missing. We unfold this idea of the “collectively intimate” in that we consider that there exists, in these spiritist practices, a real addition of deep and singular hopes of initiating a dialogue with what we call by the equivocation of “its own ghosts". Modern ghost hunting practices are then explored (Evrard & Assaf, 2018). We approach them as an update of the rites of communication with the Invisible. Supporting the development of our thinking on qualitative analysis work on several ghost hunting videos available on streaming platforms, we show that the “video” object allows sharing and the bringing together of communities in search of truth and evidence for the existence of Invisibles. The places of supposed haunting are disguised with an omnipresent modernity. The esoteric-sounding instruments previously used have gradually given way to recent recording and measurement tools that scrutinize the slightest potentially inexplicable phenomenon. Throughout our presentation, we question the definition of the ghost. We propose to consider this figure of the Invisible as an over-recipient (Bakhtin, 1979) that the subject tries to tame (Ducrot, 2004, pp. 30-31). For us, the ghost is this part of ourselves, unknown, avoided or feared, which never ceases to haunt us.
L’étymologie nous enseigne que les termes “rite” et “rituel” renvoient à l’idée d’un “ordre prescrit” (Picard, 2016). Ensemble de gestes, de paroles et d’objets dont l’institution et la signification dépendent d’une autorité (Hardy, 2011, p. 63), le rite incarne une véritable structuration de l’individuel et du collectif “face à l’épisodique et [à] l’aléatoire” (Thomas, 1985, p. 7). Cette communication se propose d’étudier différentes médiations visant à entretenir des liens avec l’Invisible selon la perspective développée par Louis-Vincent Thomas. Le rite est effectivement constitué d’un espace scénique, d’une structure temporelle, d’acteurs, d’une organisation et d’une efficacité symboliques (ibid., p. 13). C’est ainsi que nous nous intéressons à ces gestes, à ces paroles, à ces objets qui permettent aux vivants d’entretenir des liens avec les morts. Proposant une étude du Nécromantéïon de l’Achéron, en Grèce (Dakaris, 1958 ; Caskey & Dakaris, 1962 ; St. Fleur, 2020), nous explorons la nécessité pour les hellénistes de découvrir et de s’imprégner des lois divines à partir de rituels de nécromancie (Ogden, 2004 ; Larson et al., 2007, Kotjabopoulou, 2018). Ces rites traditionnels nécromanciens laisseront, au fil des siècles, la place à une modernisation des usages que nous qualifions ici de véritable machinerie de l’occulte. Dès lors, entendre les voix d’outre-tombes devient une coutume socialement partagée dans un contexte de développement du spiritisme (Kardec, 1857). Celui-ci comprend plusieurs formes de médiations entre les vivants et les morts où la créativité des spirites n’en demeure pas moins influencée par les avancées scientifiques de l’époque (Gasparin, 1854 ; Thury, 1855 ; Doyle, 1926 ; Baudouin & Evrard, 2014). Ces tentatives de contact avec l’Invisible sont à contextualiser sur le plan historique : la société de l’époque est “sommée de se rappeler ses morts” (Sauget, 2012, p. 7) et les revenants, inconsolables, hantent les vivants jusqu’à l’entre-deux guerres voire la fin de la Seconde Guerre mondiale (Cuchet, 2012, pp. 37-48). Nous avançons l’hypothèse d’un désir, “collectivement intime” d’obtenir une attache, des réponses, de la part des disparus. Nous déplions cette idée du “collectivement intime” en ce que nous considérons qu’il existe, dans ces pratiques spirites, une réelle addition d’espérances profondes et singulières d’initier un dialogue avec ce que nous nommons par l’équivoque de “ses propres fantômes". Sont ensuite explorées les pratiques modernes de chasses aux fantômes (Evrard & Assaf, 2018). Nous les approchons en tant qu’une actualisation des rites de communication avec l’Invisible. Appuyant le développement de notre pensée sur un travail d’analyse qualitative de plusieurs vidéos de chasses aux fantômes disponibles sur des plateformes de streaming, nous montrons que l’objet “vidéo” permet un partage et le rassemblement de communautés en quête de vérité et de preuves quant à l’existence d’Invisibles. Les lieux de hantise supposée se voient maquillés d’une modernité omniprésente. Les instruments aux consonances ésotériques autrefois utilisés ont progressivement laissé la place à des outils récents d’enregistrement et de mesures qui scrutent le moindre phénomène potentiellement inexplicable. Au fil de notre exposé, nous interrogeons la définition du fantôme. Nous proposons d’envisager cette figure de l’Invisible en tant qu’un surdestinataire (Bakhtine, 1979) que le sujet tente d’apprivoiser (Ducrot, 2004, pp. 30-31). Le fantôme relève alors pour nous de cette part de soi, méconnue, évitée ou redoutée, qui ne cesse de nous hanter.