L’ascétisme, son impératif d’insensibilité et de détachement du monde, apparaît comme une dimension importante du soufisme, la tradition mystique de l’islam. Il a cependant suscité des piques acérées de la part d’auteurs réformistes et modernistes, qui y ont vu une attitude quiétiste responsable du déclin du monde musulman. Comment, dès lors, l’ascétisme s’accorde-t-il avec une modernité religieuse tournée vers l’ici-bas, le bien-être et l’accomplissement de soi ? Fondé sur une ethnographie au long cours, menée au Pakistan dans des cercles soufis féminins issus de grands centres urbains, cet article s’attache à décrypter le système de sens qui procède de la valorisation d’une riche économie émotionnelle, allant jusqu’à réhabiliter le corps comme réceptacle du divin.