Issu d’un séminaire envisageant l’influence réciproque des Sciences de l’Antiquité et des Sciences Sociales dans l’historiographie du XIXe au XXIe siècle, cet article analyse l’usage des sources antiques dans l’œuvre de l’historien américain Thomas Laqueur (1945-), en particulier dans son premier et plus célèbre livre « Making Sex: Body and Gender from the Greeks to Freud » (1990) et l’intérêt de ce travail, en retour, pour les Sciences de l’Antiquité. Après avoir présenté brièvement la thèse principale de l’ouvrage qui oppose un « modèle du sexe unique » (qui aurait caractérisé la représentation des concepts de sexe et de genre de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle) à un « modèle des deux sexes », qui serait né dans le sillage des Lumières et encore valable aujourd’hui, cette contribution présente un certain nombre de critiques de la lecture que Laqueur impose aux auteurs grecs antiques, notamment Galien, Hippocrate et Aristote. La seconde partie de l’article montre cependant l’intérêt des travaux de Laqueur pour renouveler l’approche théorique et pratique de l’archéologie funéraire, notamment autour de l’articulation des notions de sexe biologique (aujourd’hui employée pour désigner les données issues de l’étude anthropologique des squelettes) et de genre social (tel qu’il peut être perçu à partir des données de l’archéologie). Malgré une évolution vertueuse des pratiques marquée par des collaborations de plus en plus fréquentes entre archéologues et anthropologues, les travaux de Laqueur invitent à démonter les rouages d’une opposition plus complexe qu’elle n’en a l’air pour proposer une nouvelle approche des notions de sexe et genre en archéologie funéraire.